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La mission d’évaluation de la loi Claeys-Léonetti a dévoilé son rapport ce mercredi 29 mars.
kupicoo / Getty Images La mission d’évaluation de la loi Claeys-Léonetti a dévoilé son rapport ce mercredi 29 mars.

kupicoo / Getty Images

La mission d’évaluation de la loi Claeys-Léonetti a dévoilé son rapport ce mercredi 29 mars.

POLITIQUE – « C’est un hasard du calendrier ! » Alors que la Convention citoyenne sur la fin de vie s’apprête à rendre ses conclusions dimanche 2 avril, la mission d’évaluation de la loi Claeys-Léonetti, qui fixe le cadre législatif actuel de la fin de vie en France, a dévoilé son rapport ce mercredi 29 mars.

« Nous n’avons pas le même but que la Convention citoyenne, tient à souligner le député à la tête de la mission, Olivier Falorni (Modem-Indépendants). L’objectif, c’est de faire le bilan. Il n’y avait pas eu d’évaluation de cette loi depuis son entrée en vigueur, il y a sept ans. Ce sujet de la fin de vie a à chaque fois été mis sous le tapis. »

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Menée pendant deux mois et demi par 19 députés issus des dix groupes de l’Assemblée nationale, la mission avait donc eu pour but d’évaluer la législation actuelle ainsi que sa mise en application.

L’inégalité d’accès aux soins palliatifs

La mission relève tout d’abord, sans surprise, que « l’accès aux soins palliatifs demeure insatisfaisant ». « Vingt-et-un départements ne disposaient pas d’unités de soins palliatifs fin 2021, indique le rapport, soulignant des disparités territoriales. (…) Nombreuses ont été les personnes auditionnées à indiquer que deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n’y avaient pas accès. »

La mission, qui déplore « l’absence de données robustes » pour évaluer précisément l’écart entre l’offre et les besoins en soins palliatifs, estime tout de même qu’il manquerait aujourd’hui « plus de 100 médecins dans les structures de soins palliatifs existantes ». Une pénurie de soignants due également à l’image négative des soins palliatifs dans le milieu médical.

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« La mort est souvent envisagée sous l’angle de l’échec thérapeutique et les soins palliatifs sont relégués à la gestion de la mort alors même que les prises en charges curative et palliative doivent être menées conjointement », rappelle la mission.

Symptomatique de cette « forte étanchéité [qui] perdure entre les soins curatifs et les soins palliatifs », la tarification à l’activité (T2A) valorise également mal les soins palliatifs, qui reposent moins sur des actes techniques que sur un accompagnement humain.

Un recours « très insuffisant » aux directives anticipées

Autre conclusion de la mission : le recours aux directives anticipées, dont le statut avait été renforcé par la loi Claeys-Léonetti – qui les a notamment rendues contraignantes pour le médecin, sauf exception –, demeure « très insuffisant à ce jour ».

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« C’est encore aujourd’hui un sujet tabou, souligne Olivier Falorni. Et parfois les gens pensent que ça ne sert à rien, puisque le médecin peut s’y opposer. » Selon une enquête d’octobre 2022 pilotée par le Conseil national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), seuls 18 % des répondants connaissant les directives anticipées (33 % pour les plus de 65 ans), ont rédigé leurs directives anticipées – soit moins de 8 % de l’ensemble des répondants.

Comment faire alors, pour pousser davantage de Français à s’intéresser à cette question et à rédiger leurs directives anticipées ? L’enjeu est surtout au niveau de la communication sur la loi actuelle. « On peut par exemple envisager une plus grande implication des médecins traitants, avec pourquoi pas des consultations dédiées à cela », évoque Olivier Falorni.

La sédation profonde et continue reste très rare

La sédation profonde et continue jusqu’au décès (SPCJD), associée à une analgésie, constitue la principale innovation de la loi Claeys-Leonetti, qui a permis d’y apporter un cadre. « Son inscription dans la loi contribue au renforcement des droits des patients et notamment celui de ne pas souffrir et de ne pas subir d’obstination déraisonnable », rappelle la mission.

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Concrètement, cela revient à endormir définitivement les malades incurables et en très grande souffrance, si leur pronostic vital est engagé « à court terme ». Pour cela, on injecte au patient du midazolam en intraveineuse. Ce médicament de la famille des benzodiazépines est puissant et son action rapide. Si le patient ne peut exprimer sa volonté, la décision est prise par les médecins de façon « collégiale ».

Pratique très réglementée, la SPCJD serait très rarement utilisée, selon le rapport. « La prévalence de cette dernière est en effet estimée à 0,9 % selon une étude récente (étude PREVAL- S2P) », indique le rapport. Ce qui veut dire que les autres 99,1 % sédations pratiquées seraient des sédations dites « proportionnées », dont la visée n’est pas le décès. Cela est dû en partie au manque d’unités de soins palliatifs, mais pas uniquement.

Là encore, les données statistiques manquent. « Il n’y a pas de codification pour l’acte de sédation profonde et continue », souligne Olivier Falorni. Sa mise en place très médicalisée la rend impossible à domicile. « L’accès aux médicaments et aux produits n’est pas toujours possible en ville et, d’autre part, cette pratique requiert des conditions de présence et de surveillance particulièrement exigeantes », regrette la mission.

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Mais surtout, éthiquement, cet acte pose de nombreuses questions, qui peuvent avoir comme conséquence une réticence de certains soignants à l’utiliser : quel est le bon moment pour enclencher cette sédation ? Quels sont les risques de réveils ? Le patient est-il conscient malgré le coma dans lequel il est plongé ?

Avec l’arrêt simultané de l’hydratation et de l’alimentation, les spécialistes estiment que la mort par SPCJD survient aux alentours d’une semaine. Une temporalité incertaine qui peut aussi être difficile à supporter pour les proches. « En 2018, le Conseil d’État a parlé de ‘mourant qui n’en finit pas de mourir’ pour évoquer la sédation profonde et continue », rappelle Olivier Falorni.

Un consensus chez les parlementaires ?

Le rapport conclut tout de même que le cadre juridique institué par la loi Claeys-Leonetti « répond à la grande majorité des situations de fin de vie ». « Pour autant, il convient de rappeler que le cadre législatif actuel n’apporte pas de réponses à toutes les situations de fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme », souligne la mission.

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Si Olivier Falorni assure « ne pas avoir prononcé une seule fois le terme ‘aide active à mourir’ » lors des auditions ayant mené à ce rapport, il ne cache pas son souhait politique le plus cher : qu’une grande loi sur la fin de vie soit adoptée d’ici la fin du quinquennat. « Lors des auditions, tous nos interlocuteurs nous ont parlé spontanément de l’aide active à mourir, y compris ceux qui y sont les plus hostiles. Comme s’ils avaient intériorisé que ça allait arriver. »

Sa proposition de loi sur le « Droit à une fin de vie libre et choisie » ouvrant la voie au suicide assisté et à l’euthanasie, avait été étudiée en partie en avril 2021, lors d’une niche parlementaire. « L’article 1 de ma proposition de loi avait été adopté par 83 % des députés, rappelle-t-il non sans fierté. L’Assemblée s’est déjà prononcée sur ce sujet. »

Alors que les mouvements sociaux autour de la réforme des retraites mettent le gouvernement en difficulté, une loi sociétale sur la fin de vie serait, aux yeux d’Olivier Falorni, un rebond tout trouvé pour apaiser les esprits et faire – presque – consensus chez les parlementaires. « Ce serait une réforme sociétale qui, pour le coup, ne mettrait pas la France à feu et à sang », conclut le député.

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