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Un suivi psychothérapeutique entièrement remboursé. Sur le papier, cela semble séduisant. Mais dans les faits, qu’en est-il ? Il y a un an, le gouvernement lançait la plateforme MonPsy, renommée depuis MonParcoursPsy. Ce dispositif, imaginé après la crise du Covid-19, permet à toute personne de plus de 3 ans en souffrance psychique d’intensité légère à modérée de bénéficier de huit séances de suivi psychothérapeutique remboursées. Les psychologues libéraux souhaitant faire partie du dispositif doivent se porter volontaires afin d’être conventionnés par l’Assurance Maladie. Le gouvernement a fixé le tarif de la consultation à 40 euros pour la première séance et 30 euros pour les suivantes, une séance ne pouvant excéder trente minutes. 

Un an après son lancement, plus de 90.000 personnes, dont 14.000 mineurs, ont bénéficié d’au moins une séance via ce dispositif, selon les chiffres communiqués par le ministère de la Santé. « MonParcoursPsy est un succès », s’est notamment félicité François Braun, le ministère de la Santé, le 3 mars dernier à l’issue du Comité stratégique national consacré à la Santé mentale et à la Psychiatrie, à Lyon. Toutefois, à y regarder de plus près, seuls 2.200 psychologues se sont portés volontaires d’avril 2022 à mars 2023, soit 7 % des psychologues libéraux. « Ce n’est pas assez », admet François Braun. « C’est un échec », tranche de son côté Florent Simon, secrétaire général du Syndicat National des Psychologues (SNP), sachant que dès sa création, de nombreux psychologues ont manifesté pour s’opposer à la mise en place de cette plateforme.

Seuls 7 % de psychologues participants

Dans certains départements, les psychologues s’étant portés volontaires se comptent sur les doigts d’une main. En Charente, par exemple, seuls trois psychologues participent au dispositif pour 350.000 habitants, soit un psychologue pour 117.000 habitants. En Haute-Savoie, cinq professionnels pour 829.00 habitants, soit un psychologue pour 166.000 habitants.

Pour le secrétaire général du SNP, les raisons pour lesquelles si peu de professionnels ont rejoint l’aventure sont nombreuses. « Ce dispositif est inadapté, à la fois pour les patients et pour les psychologues ». La durée d’une séance, tout d’abord, de trente minutes, pose problème. « Vous devez réussir à aller mieux en quatre heures [huit fois trente minutes], s’insurge Florent Simon. Alors qu’en psychothérapie, on a besoin de temps pour établir un lien de confiance. Une dépression ne se soigne pas comme un rhume ».

Pascal Zamparini, psychologue libéral à Paris et à Vincennes, a lui rejoint la plateforme MonParcoursPsy en août. Depuis, des patients souffrant de surcharge mentale, de burn-out ou vivant des relations conflictuelles se sont succédé dans son cabinet. S’il reconnaît qu’ « on pourrait faire mieux dans la mise en œuvre » du dispositif, le thérapeute comprend qu’ « il faut bien fixer des limites ». Selon lui, huit séances permettent déjà quelques avancées… même s’il admet qu’il dépasse souvent la demi-heure. « Certains consultent un psychologue pour la première fois et me racontent des traumatismes qu’ils n’avaient encore jamais racontés à personne. Je ne vais pas les couper parce qu’on a dépassé les trente minutes. » Le thérapeute le concède : « ça fait un taux horaire pas terrible… C’est un investissement psychique à la fois pour le patient et pour le thérapeute. »

« Certains patients sont dans une situation de vraie précarité »

Autre raison qui freinerait le recours au dispositif, selon le secrétaire général du SNP : la lettre que le médecin doit adresser au psychologue pour lui envoyer un patient. Au lancement de MonPsy, de nombreux psychologues s’étaient insurgés contre cette lettre d’adressage. « Déjà, le patient doit réussir à trouver un médecin généraliste, ce qui est compliqué dans certains territoires. Ensuite, ça ajoute une étape supplémentaire. » Le patient va en effet devoir faire part de ses difficultés psychologiques à son médecin, avant d’en parler plus en profondeur au psychologue. Selon Florent Simon, certaines personnes jetteraient l’éponge avant de franchir la porte d’un cabinet de psychologie. Pascal Zamparini voit au contraire ces lettres d’adressage d’un bon œil. « Une bonne partie des personnes que j’ai eues en consultation n’auraient pas eu l’idée d’aller voir un psychologue si leur médecin ne leur en avait pas parlé. »

Pas eu l’idée… ni les moyens. Le psychologue libéral estime qu’environ un tiers de ses patients n’auraient pas de quoi payer un suivi psychothérapeutique si ce dernier n’était pas remboursé. « Certains patients, notamment des étudiants, sont dans une situation de vraie précarité. Si j’ai adhéré au dispositif, c’est parce que je ne vois pas pourquoi seule une petite partie de la population aurait accès aux psychologues. »

Seuls 10 % de patients précaires

Toutefois, selon les chiffres du ministère de la Santé, parmi les 90.000 personnes ayant bénéficié d’au moins une séance via MonParcoursPsy, seules 10 % sont en situation de précarité. « Certains patients ont les moyens mais n’ont pas forcément envie de dépenser beaucoup, analyse Pascal Zamparini. Ils sont bien contents que ce soit pris en charge, comme c’est le cas pour les frais médicaux. »

Pour le secrétaire général du SNP, ces chiffres montrent que le dispositif « rate sa cible ». De plus, selon lui, des structures destinées aux personnes n’ayant pas les moyens de payer un psychologue existent déjà : les Centres médico-psychologiques (CMP). Le thérapeute estime qu’il vaudrait mieux investir dans ces structures déjà existantes plutôt que de développer un dispositif « pas du tout à la hauteur des enjeux ». Malgré son bilan mitigé, MonParcoursPsy est pour l’instant maintenu et sera évalué au plus tard le 1er septembre 2024 par le ministère de la Santé.

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