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Le projet de réforme de la Police judiciaire (PJ), prévue pour être mise en place durant l’année 2023, rencontre l’opposition des enquêteurs et des magistrats.

que prévoit la réforme du gouvernement ?

En première ligne lors des grandes enquêtes criminelles, la police judiciaire devrait être réorganisée dès 2023, selon un projet de réforme porté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et le Directeur général de la police nationale Frédéric Veaux.

L’objectif initial du texte est de modifier l’organisation des différents services de police d’un département – renseignement, sécurité publique, police aux frontières (PAF) et police judiciaire – en les plaçant sous l’autorité d’un seul Directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet.

Actuellement, les enquêteurs de la police judiciaire (PJ) ne sont sous la responsabilité que de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), qui englobe toutes les équipes en place à travers le pays. Face à la gronde, Gérald Darmanin a indiqué début mars qu’une modification a été apportée à son projet, en plaçant plusieurs services de la PJ non plus dans une organisation départementale, mais interdépartementale (ils seront placés sous les ordres d’un Directeur interdépartemental de la police nationale, DIPN). Cela afin qu’ils conservent leur territoire d’action actuel. Le ministre a d’ailleurs affirmé que «la cartographie des services exerçant des missions de police» ne sera pas modifiée et «qu’aucun service de police judiciaire ne sera supprimé».

pourquoi le texte provoque-t-il l’indignation des enquêteurs et des magistrats ?

Plusieurs aspects de la réforme sont contestés. Le point central est la peur de voir le bon fonctionnement de la PJ, dont la coordination des services permet rapidité et efficacité, selon ses défenseurs, être mis à mal par un processus alourdi. L’Association nationale de la Police judiciaire (ANPJ), a ainsi dénoncé à CNEWS une «multiplication des interlocuteurs» à venir, qui ralentira l’action des enquêteurs.

Cela rejoint la critique de la «départementalisation» du travail de la PJ. Selon les contestataires, l’échelon départemental ne permet pas de lutter contre la criminalité organisée qui opère le plus souvent sur plusieurs régions voire plusieurs pays. Ainsi, ils se questionnent sur la façon dont des enquêtes ayant des victimes dans un département mais des malfrats dans un autre, ou à l’étranger, pourront se résoudre.

Ils craignent aussi de voir les moyens mis à disposition de la PJ (plus importants que ceux de la sûreté publique) être localement utilisés comme ressources à d’autres services. Gérald Darmanin a assuré qu’un budget propre sera dédié à la PJ, sans convaincre.

Enfin, la crainte existe de voir les enquêteurs de la PJ être petit à petit fusionnés avec les équipes de la sûreté départementale. Alors que les premiers sont spécialisés dans la grande criminalité, ils pourraient ne servir qu’à la «délinquance du quotidien», pour améliorer les taux de résolution des petites affaires, dont le nombre de dossiers explose. Cela au détriment des grandes enquêtes, notamment financières.

La réforme se heurte aussi à l’opposition des professionnels de la justice. Dans une tribune publiée dans Le Monde, les principaux syndicats de magistrats – l’Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature – avaient dénoncé une réforme qui «sacrifiera une filière d’excellence sur l’autel du traitement de masse de la délinquance du quotidien».

«Le DDPN pourra en effet être incité à orienter les moyens de la PJ en fonction de critères opportunistes : missions assurant de meilleurs retours statistiques, exigences des élus, résorption du contentieux de masse», ont pointé les signataires.

Du côté des avocats, le Conseil national des barreaux s’est, de son côté, inquiété des risques «d’interférences» du politique, via l’autorité des préfets sur les DDPN et DIPN.

pourquoi le dossier devient-il explosif pour le gouvernement ?

Depuis le mois d’août, l’ANPJ mène la fronde contre la réforme. Se voulant sans étiquette syndicale, l’association créée pour défendre la police d’investigation demande des réponses au ministère de l’Intérieur, en dénonçant une réforme qui a été lancée sans aucune réflexion de terrain.

Les policiers de la PJ bénéficient de soutiens de poids, à commencer par celui de François Molins, le procureur général près la Cour de Cassation. Celui qui est l’un des plus hauts magistrats du pays a estimé que le texte «ne va pas dans la bonne direction» et aura des «conséquences désastreuses pour la sécurité des citoyens et l’indépendance de la justice».

La contestation a pris une tournure brûlante après le limogeage, en octobre dernier, du patron de la PJ de Marseille, Eric Arella, au lendemain de l’accueil réservé par ses troupes au directeur de la Police nationale Frédéric Veaux.

Dans une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux, on peut voir Frédéric Veaux arpenter les locaux de la PJ de Marseille dans une ambiance glaciale, au milieu de dizaines d’agents se tenant debout, silencieux et les bras croisés. Une «haie du déshonneur» qui avait provoqué la colère des hautes sphères de la police.

«Une telle déloyauté n’est pas acceptable», avait fait savoir la direction générale de la police nationale. 

De nombreuses manifestations et actions ont depuis eu lieu. Gérald Darmanin a légèrement modifié son projet, au moment d’envoyer une lettre qui marquait le coup d’envoi de la réforme début mars, sans pour autant convaincre les agents de la PJ. La suppression de la DCPJ devrait intervenir en juillet, avec une mise en place progressive de la nouvelle organisation pour être totale début 2024.

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