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Quels sont les signes du manque d’alcool ?

L’alcool a la propriété de calmer l’anxiété, de désinhiber et de procurer une certaine sensation d’euphorie. « La personne est persuadée que tous ses problèmes seront résolus en consommant de l’alcool », observe la Dr Cécile Prévost, médecin généraliste spécialisée en addictologie au CSAPA (Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie) de Bourg-la-Reine, dépendant de l’hôpital Paul-Guiraud de Villejuif (94). 

Mais ce n’est qu’une illusion. « Sur le long cours, l’alcool favorise la dépression. C’est un véritable cercle vicieux. La personne boit pour calmer son angoisse et son mal-être, puis son moral tombe au plus bas. Du coup, elle re-boit, ce qui ne fait que nourrir sa dépression. Cette spirale l’attire vers le bas », poursuit l’addictologue. 

À cette dépendance psychologique s’ajoutent des signes physiques : des envies obsessionnelles de boire « qui vous prennent tout le corps » selon Cécile Prévost, des tremblements, des nausées, des vomissements….

Comment arrêter de boire de l’alcool ?

Dans ce contexte, il faut une bonne dose de motivation pour entamer une démarche de sevrage. « Quand ces personnes sont allées trop loin dans leur consommation d’alcool, elles trouvent la motivation nécessaire pour arrêter de boire. En général, il n’y a pas de déclic mais elles perçoivent qu’il y a un problème : soit leur entourage leur a fait des remarques, soit elles ont mis leur santé en danger, soit elles ont peur de perdre leur famille, leurs enfants ou leur travail. Les sources de motivation sont nombreuses. Mais pour parvenir à se sevrer, il faut être capable de changer. Tous les patients n’ont pas cette capacité au début, car cela implique de quitter tous ses repères. En psychothérapie, les entretiens motivationnels, vont les aider à faire ce chemin », explique la Dr Prévost. 

Franchir le pas, accepter de remettre sa vie en question, est loin d’être simple. Ces entretiens motivationnels, menés par un professionnel de santé (médecin, infirmier, psychologue, assistante sociale…) permettent de soutenir la personne et de l’aider à trouver le ressort nécessaire pour entamer un sevrage.

Les femmes mettent, en général, plus de temps que les hommes à demander de l’aide. « Elles arrivent dans le soin plus tardivement car, chez elles, la honte et la stigmatisation sociale pèsent lourdement. Mais elles sont en général très motivées, surtout par la peur de perdre leurs enfants, et au bout du compte elles s’en sortent mieux que les hommes à niveau de santé égal », souligne l’addictologue. 

Sevrage de l’alcool : à qui s’adresser ?

La demande d’aide peut provenir du buveur lui-même ou de son entourage. Dans tous les cas, le médecin traitant est le premier interlocuteur. Il peut conseiller, accompagner et, si besoin, orienter vers une structure spécialisée en addictologie tel un CSAPA (Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie) ou une Consultations jeunes consommateurs pour un problème d’alcool concernant un adolescent ou un jeune adulte. La liste de ces différentes structures est disponible sur drogues-info-service et alcool-info-service.

Le problème d’alcool peut aussi être détecté lors d’une hospitalisation pour un autre motif. Dans ce cas, une équipe de liaison et de soins en addictologie (ELSA) peut, sur le signalement d’un médecin, se déplacer au chevet de la personne et lui proposer une prise en charge. 

Peut-on se sevrer seul de l’alcool ?

« Je déconseillerais de se sevrer seul. Il vaut mieux se faire accompagner par un médecin. Cette prise en charge ne se déroule pas forcément à l’hôpital. Certains patients peuvent être accompagnés en ambulatoire, c’est-à-dire en venant nous voir en consultation deux fois par semaine. La Belgique expérimente même des sevrages en téléconsultation », répond la Dr Prévost. 

Un sevrage en solo, sans soutien médical et psychologique, peut être dangereux. Sans traitement médicamenteux, le manque brutal d’alcool va déclencher des réactions dans l’organisme qui peuvent, si elles ne sont pas contrecarrées, conduire à des pathologies graves, voire au décès du patient. 

Les plus redoutées sont les encéphalopathies de Korsakoff et de Gayet-Wernicke qui affectent gravement la mémoire. 

Privé d’alcool, le cerveau se retrouve dans un état d’hyper-excitabilité qui nécessite la prescription de benzodiazépines, des anxiolytiques puissants (voir plus loin). Ces médicaments préviennent le risque de convulsions et d’hallucinations, le fameux delirium tremens. 

Par ailleurs, au moment du sevrage, l’organisme puise dans ses réserves pour supporter le manque d’alcool, ce qui provoque d’importantes carences en vitamines B1, B6 et PP. « Au cours du sevrage, il se produit une réaction oxydative très forte, avec production de radicaux libres. Pour simplifier, disons que ces vitamines vont permettre de les piéger », explique l’addictologue. Chez certains patients, ces vitamines doivent être administrées en perfusion, d’où la nécessité de les hospitaliser.

Sevrage de l’alcool : en ambulatoire ou à l’hôpital ?

Les addictologues disposent de critères précis pour conseiller la prise en charge la plus adaptée.

Le sevrage ambulatoire n’est possible que si le patient dispose d’un logement stable et qu’il est bien entouré, si l’un de ses proches peut appeler les pompiers ou le Samu en cas de besoin et si son état de santé le permet (pas de maladies associées : troubles psychiatriques, cirrhose du foie, dénutrition…).

En revanche, il vaut mieux que le patient soit hospitalisé le temps du sevrage s’il est isolé socialement ou trop fragile sur le plan médical. 

Combien de temps dure un sevrage alcoolique ?

En général, il faut au minimum 15 jours pour se sevrer de l’alcool. Les cinq premiers jours sont les plus difficiles : « les patients sont très fatigués. Ils connaissent des épisodes de tristesse, de baisse de motivation, de pessimisme et d’angoisse. Ils peuvent avoir des insomnies. Et surtout, l’envie d’alcool est prégnante », observe la Dr Prévost. 

Mais la situation s’améliore progressivement, comme en témoigne l’addictologue : « Au bout de quelques jours, les patients n’ont plus mal à la tête ou la gueule de bois. Leur visage devient moins bouffi, leur peau est plus belle et leur voix se stabilise. Souvent, la première chose qu’ils nous disent c’est : je me sens plus cohérent. »

Abstinence ou réduction de la consommation d’alcool ?

Certaines personnes décident d’arrêter totalement l’alcool du jour au lendemain, d’autres préfèrent réduire progressivement leur consommation. Les deux démarches sont valables et mènent aussi efficacement au sevrage. 

Il faut savoir, cependant, que certaines maladies (pancréatite aiguë, cirrhose du foie…) nécessitent un arrêt complet et immédiat de l’alcool. 

Dans tous les cas, la démarche sera plus efficace si elle est accompagnée d’un traitement médicamenteux et soutenue sur le plan médical, psychologique et social. « Les médicaments ne suffisent pas à se sevrer de l’alcool. Il faut ré-apprendre à faire société », explique la Dr Prévost. 

Quels médicaments pour le sevrage de l’alcool ?

Des benzodiazépines comme le diazépam (commercialisé sous le nom de Valium) sont prescrites le temps du sevrage, à des doses qui sont réduites progressivement. « Ces médicaments ont un effet sédatif et relaxant. Ce sont des anxiolytiques puissants », rappelle la Dr Prévost. En cas de delirium tremens, c’est-à-dire d’hallucinations, des neuroleptiques plus puissants peuvent être indiqués.

Quels médicaments pour maintenir l’abstinence ?

Après cette phase de sevrage, une autre stratégie est adoptée pour éviter la rechute. Plusieurs médicaments sont disponibles et ont l’autorisation de mise sur le marché :

– Le disulfiram (commercialisé sous le nom d’Espéral). « C’est une sorte d’antidote à l’alcool qui rend malade lorsqu’on consomme de l’alcool. Il est très peu utilisé aujourd’hui pour des raisons éthiques », observe l’addictologue.

– L’acamprosate (Aotal et génériques) et la naltrexone (Revia et génériques) agissent sur certains récepteurs neuronaux, réduisant ainsi l’envie de boire. 

Quels médicaments pour réduire sa consommation d’alcool ?

Le baclofène (Baclocur) et le nalméfène (Selincro) agissent sur l’envie irrépressible de boire, ce que les addictologues appellent le craving. Ils peuvent être prescrits aux patients qui souhaitent réduire leur consommation ou pour aider à maintenir l’abstinence après un sevrage.

En décembre 2022, l’Office français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a publié des chiffres sur le nombre de personnes dépendantes à l’alcool bénéficiant d’un traitement médicamenteux entre 2019 et 2021. Le baclofène figure parmi les principaux. 

Quand disparaît l’envie de boire ?

Le craving s’atténue progressivement au cours du sevrage. Outre des médicaments comme le baclofène ou le nalméfène, l’hospitalisation est parfois la meilleure solution pour ne pas céder à la tentation de reprendre un verre. « En France, l’alcool est disponible facilement partout. Certaines personnes sont dans une telle souffrance qu’elles ont besoin d’être placées temporairement dans un milieu protégé », rappelle la Dr Prévost.

Sevrage de l’alcool : quelle entraide possible ?

Sur ce chemin, les associations d’anciens buveurs et les patients-experts apportent une aide précieuse. Tous ont vécu la même expérience et peuvent apporter des conseils ou faire l’interface avec le personnel soignant. Cécile Prévost souligne que « les groupes de paroles marchent très bien, en général, chez les femmes ». 

Là encore, des adresses sont disponibles sur les sites drogues-info-service et alcool-info-service.

Après le sevrage alcoolique : quel risque de rechute ?

Certaines personnes réussissent à sortir de l’alcool à la première tentative. Pour d’autres, il faudra davantage de temps. « Après un sevrage hospitalier, qui concerne donc les patients les plus malades, 30 % seulement restent abstinents la première année », observe Cécile Prévost.

Cette rechute n’est pas, pour autant, un échec. « Souvent, il faut une rechute pour que le patient comprenne qu’il est malade et prenne conscience qu’il ne peut pas gérer l’alcool », précise l’addictologue. 

Après le sevrage, Les patients les plus dépendants devront éviter tout contact avec l’alcool, sous peine de replonger. D’autres pourront s’autoriser quelques verres occasionnellement. Mais cette fragilité vis-à-vis de l’alcool persistera toute leur vie. « Je leur conseille donc de faire attention et de rester vigilant », conclut la Dr Prévost.  

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