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La séparation se traduit en matière de logement par une précarisation plus fréquente des femmes.
monkeybusinessimages / Getty Images/iStockphoto La séparation se traduit en matière de logement par une précarisation plus fréquente des femmes.

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La séparation se traduit en matière de logement par une précarisation plus fréquente des femmes.

LOGEMENT – « Les femmes et les hommes ne sont pas égaux dans l’accès au logement. » Ce constat du 28e rapport de la fondation Abbé Pierre, qui sera présenté ce mercredi 1er février, n’est pas surprenant. Raison première : l’inégalité des ressources financières et des salaires. Le revenu salarial des femmes reste inférieur en moyenne de 22 % à celui des hommes (Insee, 2022). Mais « les femmes sont également bien plus pénalisées par l’arrivée d’un ou plusieurs enfants au sein du foyer que leurs conjoints », développe le rapport.

Avant d’y revenir, quelques rappels : les femmes sont moins propriétaires que les hommes de leur logement. « Si les logements détenus par des ménages comprenant un couple sont le plus souvent possédés à parts égales par les deux conjoints (54 %), lorsqu’un seul membre du couple est propriétaire, il s’agit le plus souvent de l’homme (dans 27 % des cas tandis que cette proportion n’atteint que 15 % pour les femmes) », indique le rapport.

Il est également deux fois plus fréquent qu’un homme possède seul du patrimoine immobilier qu’une femme. Un écart qui s’accroît : « Entre 1998 et 2015, l’inégalité de patrimoine entre les hommes et les femmes serait passée de 9 % à 16 %, un des taux les plus élevés en Europe. » Le rapport ajoute à cela une « pratique discriminatoire fréquente de l’héritage à l’encontre des femmes » : les hommes, perçus comme des héritiers plus fiables, héritent souvent des « biens structurants » – biens immobiliers mais aussi entreprises et actions –, quand les femmes reçoivent le plus souvent une compensation financière de valeur inférieure.

Un écart creusé à la naissance des enfants

Il n’est donc pas surprenant qu’après l’emménagement du couple, la naissance d’un ou plusieurs enfants accentue cet écart. Le travail domestique, toujours principalement assumé par les femmes et non rémunéré, augmente à la naissance d’un enfant, et certaines femmes s’arrêtent partiellement ou complètement de travailler pour s’en occuper. « En 2021, 28 % des femmes en emploi occupaient un poste à temps partiel contre seulement 8,3 % des hommes actifs », rappelle le rapport.

Et qui dit moins de revenus et de patrimoine, dit un accès à un logement plus précaire pour les femmes en cas de séparation. « La séparation conjugale représente un choc financier et résidentiel plus important pour les femmes que pour les hommes », confirme le rapport. Selon des chiffres de l’Insee datant de 2015, leurs revenus chutent d’environ 20 % après une séparation, tandis que les hommes ne perdent que 2,5 % en moyenne.

« Après la séparation, l’homme reste plus souvent dans le logement conjugal et les femmes perdent plus souvent le statut de propriétaire que les hommes. L’écart de revenus entre homme et femme est alors déterminant : c’est généralement l’homme qui aura la capacité de poursuivre le paiement du loyer, le remboursement du crédit ou de racheter les parts de son ex-conjointe », est-il indiqué.

La séparation conjugale peut donc conduire à des situations de mal-logement. « En effet, 18 % des familles monoparentales et 10 % des familles recomposées vivent dans un logement surpeuplé, contre 7 % des familles traditionnelles », note la fondation Abbé Pierre. Elles sont aussi plus nombreuses à ne pas réussir à maintenir une température adéquate dans leur logement et à s’endetter. Plus du tiers d’entre elles (36 %) vit sous le seuil de pauvreté, selon des chiffres de l’Insee datant de 2022.

Les mères célibataires discriminées

Or, 83 % des familles monoparentales sont des femmes seules avec enfants, selon le recensement de la population de 2018. Selon le rapport, les familles monoparentales sont légèrement surreprésentées dans les attributions de logements sociaux (29 %) par rapport à leur part dans la demande (25 %). Néanmoins, cette priorisation semble « moins évidente dans les zones tendues et pour les familles monoparentales les plus pauvres ».

Et surtout, la probabilité d’accès au logement social « diminue à mesure que croît le nombre d’enfants dans le foyer ». Ainsi, faute d’une offre adaptée aux revenus et à la composition familiale, les familles monoparentales sont souvent contraintes d’accepter un logement social avec une seule chambre, au détriment de l’intimité et du confort au sein du foyer.

« C’est le cas pour 18 % des familles monoparentales à qui il manque une pièce dans le logement », affirme la fondation. Au-delà des difficultés économiques, la monoparentalité peut agir comme « un frein dans l’accès au logement en raison des représentations sociales associées à la figure de la mère célibataire », jugée tantôt « irresponsable » tantôt « vulnérable », conduisant à allonger le délai d’attente de certaines femmes pour accéder à un logement.

Les violences conjugales

Enfin, les violences conjugales constituent un facteur particulièrement aigu du mal-logement, notamment parce qu’elles entraînent bien souvent la perte du logement pour la victime. En France, plus de 210 000 femmes sont victimes de violences chaque année et 17 % d’entre elles ont besoin d’un hébergement pour échapper à un conjoint violent.

« En cas de violences conjugales, les femmes sont le plus souvent contraintes à quitter le domicile conjugal tandis que l’homme y demeure. Les conséquences sur le parcours résidentiel peuvent être dramatiques en l’absence de ressources suffisantes pour retrouver un logement stable », rappelle le rapport.

Malgré les progrès des dernières années, le nombre d’hébergements dédiés reste insuffisant par rapport aux besoins. D’après la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), citée dans le rapport, « 80 % des femmes victimes de violence sont hébergées dans des dispositifs qui ne sont pas adaptés à leur situation et près de 40 % des femmes victimes de violences en demande d’hébergement seraient sans solution : 30 % des femmes avec enfants et la moitié des femmes sans enfants. »

Familles dans la rue

Enfin, la fondation Abbé Pierre consacre une sous-partie de son rapport à « l’érosion » de la protection « traditionnelle » des mères face au sans-abrisme. « L’analyse des trajectoires des femmes sans domicile montre qu’elles bénéficient d’une relativement meilleure protection en tant que mères. Ainsi, la présence d’enfants augmente les chances de se voir attribuer un hébergement de meilleure qualité », souligne le rapport.

Si les hommes sans-abri sont plus nombreux que les femmes – dont le nombre est probablement sous-estimé car elles sont moins visibles – « 78 % des ménages sans domicile avec enfants » seraient des femmes seules. Et si la maternité peut être source de protection, « le nombre d’enfants à charge, et a fortiori quand ils grandissent, peut représenter un ‘handicap’ dans l’accès à une solution d’hébergement ou de logement », nuance la fondation.

L’accroissement dans la dernière décennie du nombre de femmes avec enfants à la rue « vient conforter l’hypothèse d’un affaiblissement de la protection que conférait le statut de mère isolée ». Bien qu’il n’existe pas de statistiques nationales, la fondation estime que « la situation des femmes enceintes ou sortantes de maternité sans solution d’hébergement semble par ailleurs prendre de l’ampleur ».

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