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Définition et origines : qu’est-ce que le body positivisme et qui a créé ce mouvement ?

Le body positive – aussi appelé body-positivisme, body-pos’ ou body-positivity – est un mouvement social fondé en 1996 aux États-Unis par Connie Sobczak et Elizabeth Scott, suite au décès de la soeur de Connie des conséquences de ses troubles du comportement alimentaire. Le mouvement a été créé « en l’honneur de sa soeur, et pour s’assurer que sa fille Carmen et les autres enfants grandiraient dans un nouveau monde où les gens s’efforceraient de changer le monde, pas leur corps », explique Elisabeth Scott, psychothérapeute et cofondatrice du mouvement. Leur aspiration principale étant de créer « une communauté vivante et thérapeutique qui libère des messages sociaux étouffants maintenant les gens dans une lutte perpétuelle contre leur corps ».

Catherine Grangeard, psychologue et psychanalyste, affectée durant plusieurs années en service d’obésité et de préparation à la chirurgie bariatrique, a été confrontée de plein fouet aux ravages des diktats féminins sur l’estime de soi. « Il est évident que le lien entre le corps et la pysché est prégnant. Les normes sont aujourd’hui tellement exigeantes que la grande majorité des femmes sont en délicatesse avec leur corps, parce qu’il est perpétuellement comparé à ce qu’il pourrait ou devrait être », explique la psychanalyste. Les injonctions à la beauté et à la minceur sont permanentes : « Les femmes doivent être sexys, désirables et jolies, avec la crainte très forte, si elles ne le sont pas, d’être exclues et mises à la marge », souligne l’auteure.

Mode, marques, magazine, standards des mannequins : pourquoi le body positivity ?

Basé sur la constatation que les seuls standards de corps féminins véhiculés par l’industrie de la mode – de la haute couture au prêt-à-porter – la télévision ou les médias, étaient aux antipodes de ceux que l’on croise dans la vraie vie, ce mouvement tente de réhabiliter la diversité, en rendant visible les corps non-normés.

Catherine Grangeard, psychologue : Le body positive est une action en réaction à une image du corps imposée. Cette image si peu représentative de la réalité est à l’origine de beaucoup de complexes car les femmes se comparent à elle et se considèrent dans le regard des autres comme ne pouvant être ”aimables”

Que ce soit sur les podiums, les pages de magazines ou les affiches publicitaires, les femmes font du 36 voire du 34, ont la peau lisse et ferme et ont rarement plus de 25 ans. La cellulite – qui toucherait environ 90 % des femmes – les vergetures, les bourrelets, la peau distendue, les seins qui tombent ou encore les rides sont invisibilisés, considérés comme inesthétiques et disgracieux. « On ne vit plus dans la réalité mais dans une sorte d’immense fake news, qui voudrait nous faire croire que ces corps exposés représentent la normalité », résume Catherine Grangeard.

Rétablir la réalité en élargissant les normes,

Le body positivisme a pour objectif de rétablir la réalité en élargissant les normes, en affichant tous les corps, permettant ainsi à chaque femme de s’y retrouver.
Depuis quelques années, les choses progressent, les marques de prêt-à-porter n’ont plus peur d’exposer des mannequins qui affichent de la cellulite, des vergetures ou encore des cheveux poivre et sel. La célèbre mannequin Ashley Graham, qui assume fièrement ses 90 kg pour 1m75 et vient d’être sacrée « femme la plus sexy du monde », est l’une des premières égéries du mouvement body positive.

De nouveaux modèles atypiques, porteurs de handicaps ou de maladie, arpentent les podiums et posent pour les photographes, exhibant tantôt un vitiligo (Winnie Harlow), tantôt deux prothèses de jambe en or (Lauren Wasser) ou tantôt un albinisme (Sanele Junior Xaba).  « Mais si la machine est en marche et les choses évoluent doucement, la haute couture et l’industrie de la mode peinent encore à élargir leurs standards. Les pantalons taille basse et autres crop tops, difficilement portables par une majorité de femmes, en sont bien la preuve », souligne l’auteure.

Instagram, TikTok, facebook : l’influence des réseaux sociaux

Le mouvement body positive a été largement popularisé en France par les réseaux sociaux, au milieu des années 2010. En 2021, le hashtag #BodyPositive renvoie à 14,5 millions de posts sur Instagram, et a ouvert la brèche à de nombreux dérivés #PlusSize #FiereDeMonCorps #CelebrateMySize #SelfLove ou encore #LoveYourself qui comptent tous plusieurs centaines de milliers d’occurrences.

De Georgie Clarke à Celeste Barber en passant par Iskra ou Rianne Meijer, un grand nombre d’influenceuses ambassadrices en font leur cheval de bataille et se plaisent à dénoncer – souvent avec humour – les retouches et autres artifices sur le mode « instagram VS la vraie vie ».

Les limites et critiques du body positive

Au coeur de son succès, le mouvement body positive soulève cependant plusieurs critiques et divise les foules.

Il est tout d’abord accusé de devenir un argument marketing, après que de nombreuses marques surfent sur le mouvement pour promouvoir leur ligne de vêtements « king size ». Si l’intention est peut-être bonne, on regrette que les mannequins mises en avant pour les promouvoir fassent généralement seulement du 40 voire du 42, à savoir les deux tailles les plus vendues en France. Encore une façon de marginaliser les corps standards.

Autre reproche fait au body pos’ : sa récupération par les femmes aux mensurations « normées », qui affichent sous le hashtag #bodypositive leurs complexes pouvant paraître dérisoires pour des personnes en vrai surpoids. Cela soulève la question d’une éventuelle légitimité ou hiérarchisation des complexes : une femme mince est-elle moins légitime de souffrir de ses complexes qu’une autre en situation d’obésité ? Une chose est sûre, ces dernières pour qui le mouvement a été initialement lancé, s’en sont senties dépossédées, avec l’impression que le body positivisme a été vidé de son sens.

Le mouvement body positive peut aussi, pour certaines, sonner comme une injonction d’obligation à s’aimer et à accepter son physique : « Aimer un corps qui est source d’importants complexes est loin d’être simple, et ne pas y arriver peut aussi être vécu comme un nouvel échec » regrette la psychanalyste.

Et si les réseaux sociaux peuvent être un formidable outil pour s’aimer soi-même et se réconcilier avec un corps « hors normes » en apprenant à trouver beaux ceux que l’on voit, c’est aussi un outil à double tranchant. « Le risque des réseaux sociaux et de leurs algorithmes est de se laisser enfermer dans une bulle » irréelle « en décalage avec la vraie vie. Ils nous font croire que le monde est » body positive « et tolérant, mais ça n’est pas vrai, et la violence des regards dans la vraie vie est toujours présente. Il y a une sorte d’opposition entre les deux mondes, qui peut finir par isoler », explique Catherine Grangeard.

Comment pratiquer le body pos’ ?

Mettre en pratique le body positivisme n’est pas chose facile : il ne suffit pas de décider d’aimer son corps et son apparence pour y parvenir ! « Le plus important est de trouver des modèles identificatoires – actrices, chanteuses, influenceuses – en dehors des standards de beauté mais que l’on trouve belles et auxquelles on peut s’identifier », conseille l’auteure. Ces nouveaux modèles d’identification vont progressivement nous permettre de changer notre regard sur la beauté en général et sur nous-mêmes.

Catherine Grangeard : Il faut se mettre à regarder les gens qui ne sont pas classiquement beaux et trouver la beauté en eux.

Attention aussi à ne pas vouloir suivre la mode à tout prix, qui malheureusement reste adaptée et conçue pour des corps normés, à l’instar des petits hauts qui dévoilent le ventre, des pantalons slims ou des robes dos nu. « On peut décider de les porter quand même et de se moquer du regard des autres, mais en pratique c’est compliqué », assure la psychologue, qui recommande de chercher les vêtements dans lesquels on se sent bien et beau, quitte à ne pas être à la pointe de la mode.

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