Spread the love

Qui connaît Frederick G. Banting ? Dans l’histoire de la santé publique, ce chercheur canadien n’a pas laissé de traces marquantes, contrairement à un Louis Pasteur. Et pourtant, il est le coinventeur, en 1921, d’un des traitements les plus utilisés aujourd’hui dans le monde : l’insuline. Mais ce chirurgien de formation a bien failli ne jamais commencer ses travaux de recherches. Engagé volontaire dans l’armée de son pays, il a été grièvement blessé dans le Nord, en septembre 1918, lors des dernières offensives de la Première Guerre mondiale.

Des historiens amateurs d’un petit village du Pas-de-Calais ont décidé de lui rendre hommage, le 2 septembre, sous l’impulsion d’un écrivain historien canadien, Michel Gravel. Une plaque commémorative portant son nom sera dévoilée. Mais pourquoi Dury, son maire Marc Campbell, et ses 300 habitants sont-ils engagés dans ce projet ? Pour comprendre, il faut remonter le temps jusqu’en 1918. Au mois de septembre, les alliés britanniques et canadiens poursuivent la reconquête des territoires occupés par les Allemands depuis le début de la guerre, en 1914. Les 2, 3 et 4 septembre, la bataille fait rage autour du village de Dury.

Une photo comme indice

« Grâce aux travaux historiques menés par Michel Gravel, on a d’abord découvert que Frederick Banting avait pris part aux combats dans le village et, surtout, en janvier, on a pu identifier exactement où », se réjouit Fabrice Théry, membre du comité « Village patrimoine » à Dury. C’est la photo d’un poste de secours allemand, investi par les Canadiens le 2 septembre 1918, qui a permis de valider les recoupements d’informations. Car ce bâtiment à l’architecture particulière, existe encore.

A Dury, dans le Pas-de-Calais, un poste de secours allemand pendant la Première Guerre mondiale, lequel a aussi servi au futur prix Nobel de médecine, Frederick Banting, pour soigner les blessés lors de la bataille des 2, 3 et 4 septembre 1918.
A Dury, dans le Pas-de-Calais, un poste de secours allemand pendant la Première Guerre mondiale, lequel a aussi servi au futur prix Nobel de médecine, Frederick Banting, pour soigner les blessés lors de la bataille des 2, 3 et 4 septembre 1918. – Collection MG

« Ce sont des centaines de blessés qui ont été soignés dans ce centre où Banting officiait en tant que médecin dans une unité d’ambulance de campagne, poursuit Fabrice Théry. Il faut savoir que la bataille sur le secteur a coûté un peu plus de 5.000 pertes canadiennes, morts ou blessés. » Une épreuve pour le jeune officier, âgé de 27 ans, qui venait juste de finir ses études de chirurgien, deux ans auparavant.

C’est donc non loin de ce bâtiment qu’une plaque commémorative sera dévoilée, le 2 septembre. Une cagnotte en ligne a été ouverte par Michel Gravel pour financer, en partie, cette plaque. « Ces dons nous seront utiles car ce projet représente un coût non négligeable pour une petite commune comme la nôtre qui a cependant réussi à dégager un petit budget à cette occasion », souligne Fabrice Théry.

Prix Nobel de médecine en 1923

Mais l’histoire de Frederick Banting ne s’arrête pas à Dury. Arrivé en France le 23 juin 1918, il participe à l’avancée canadienne avant d’être blessé, le 28 septembre, à Haynecourt, près de Cambrai, en voulant porter secours. Un shrapnel d’obus lui perfore l’avant-bras droit. Le médecin doit définitivement quitter le champ de bataille.

La suite est plus connue. Intégré dans le département de physiologie du diabète à l’université de Toronto, Frederick Banting parvient à convaincre son chef, John J.R. MacLeod, de le laisser tester, dans son laboratoire, une idée qui, selon lui, peut conduire à obtenir un extrait pancréatique actif sur le diabète sucré.

L’insuline, toujours considérée comme l’une des plus belles réussites thérapeutiques, était née. A l’époque, c’est une révolution sanitaire. Faute de traitement, les enfants diabétiques décédaient de faim et de soif, au bout de quelques mois ou années. En 1923, ils ne seront que deux, Frederick Banting et John J.R. MacLeod, à recevoir le prix Nobel de médecine pour cette découverte. Ils auront tous deux à cœur de partager le montant de leur prix avec leurs collègues chercheurs, Charles Best et James Bertram Collip.

Banting, « un bienfaiteur de l’humanité »

« Frederick Banting est, non seulement, un grand chercheur, mais c’est aussi un bienfaiteur de l’humanité, souligne Fabrice Théry. Au lieu de déposer un brevet qui l’aurait enrichi, il l’a offert, pour un dollar symbolique, à l’université de Toronto, permettant un déploiement rapide du traitement. »

Frederick Banting est mort en 1941, à l’âge de 50 ans. « Il partait en Grande-Bretagne pour effectuer une mission scientifique au profit des Alliés, précise Fabrice Théry. Son avion, pris dans des conditions météo exécrables s’est écrasé sur l’île de Terre-Neuve. » Il était sûrement loin de se douter qu’en 1973, un cratère de la lune serait baptisé de son nom et qu’on se souviendrait aujourd’hui encore de son œuvre dans un village de France, si loin de chez lui.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *