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Ils nous rendent dingues, avec leur petit bourdonnement dans les oreilles et leurs piqûres qui, en plus de démanger, peuvent transmettre certains virus. Mais les moustiques tigres n’ont pas fini de nous nuire. Dans les années à venir, il faut s’attendre à une hausse des cas de dengue, Zika et chikungunya, des arbovirus transmis par ces moustiques « vecteurs » désormais largement implantés sur le territoire, prévient le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars).

Dans un avis publié mercredi, l’ex-conseil scientifique rappelle que les territoires tropicaux français y sont confrontés de manière récurrente. Mais depuis quelques années, la métropole enregistre un nombre croissant de cas autochtones (c’est-à-dire ne provenant pas d’une contamination hors du territoire) et de foyers. En cause, les moustiques Aedes aegypti et Aedes albopictus, ou moustiques tigres, qui prolifèrent à la faveur du réchauffement climatique.

Une progression « inéluctable »

Depuis 2010, le nombre de départements métropolitains colonisés a été multiplié par dix : 67 à ce jour. Et l’été dernier, la métropole a connu 65 cas de dengue autochtone, rappelle le Covars. Il n’a pas été observé de forme grave de la maladie, contrairement aux territoires ultra marins.

« La hausse des cas est inéluctable en raison de l’augmentation des voyages et du changement climatique, a relevé l’entomologiste Didier Fontenille, l’un des auteurs du rapport, lors d’un point presse. Bientôt, tout l’Hexagone sera touché par le moustique tigre. Quant à Aedes aegypti, il est résistant aux insecticides, ce sont deux très mauvaises nouvelles ». Selon le Covars, ces maladies virales « pourraient devenir des problèmes de santé publique en métropole ».

Un effet du réchauffement climatique

Si le Covars rappelle le rôle du changement climatique, c’est parce que la hausse des températures favorise la colonisation de nouveaux territoires pour ces nuisibles reconnaissables à leurs rayures noires et blanches. Une inquiétude partagée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui estime que « le changement climatique a joué un rôle clé en facilitant la propagation des moustiques vecteurs », a déclaré mercredi Raman Velayudhan, qui coordonne l’initiative de l’OMS sur la dengue et les arbovirus.

Comment ? « Le moustique est un organisme à sang froid, il est incapable de réguler sa température interne. Donc plus il va faire chaud, plus il va pouvoir se développer dans des latitudes plus hautes, et avoir de nouvelles aires de colonisation, explique à 20 Minutes Anna-Bella Failloux, entomologiste spécialiste des arbovirus et maladies à vecteurs à l’Institut Pasteur. Au départ, il était cantonné dans le sud-est de la France. Mais il remonte et fatalement, il sera bientôt présent dans tous les départements de métropole. Dès lors, il suffit que des personnes ayant voyagé dans des zones du globe où ces virus circulent activement pour que la France métropolitaine soit exposée à un risque épidémique. On va avoir une combinaison de deux facteurs : un moustique tigre présent en forte densité, bien adapté à l’environnement métropolitain, et une augmentation de l’introduction de virus liée aux voyages. Un cocktail explosif ».

S’ajoute un autre ingrédient : « Quand la femelle moustique prend du sang sur quelqu’un de malade, le virus n’est pas digéré dans son estomac. Il va infecter tous ses organes internes et se retrouver au niveau des glandes salivaires, et pourra être libéré dans la salive de la femelle qui va piquer tous les 5 à 7 jours, détaille l’entomologiste. Or, le processus de multiplication du virus dans le moustique va dépendre de la température : plus il fait chaud, plus il est accéléré. Ainsi, s’il faut une dizaine de jours pour que le virus de la dengue atteigne les glandes salivaires quand il fait 25-28 °C, s’il fait plus chaud, ce délai est raccourci à sept jours. On va avoir davantage de moustiques tigres, et davantage qui seront infectieux s’ils piquent des personnes malades. Donc plus de cas ».

« On doit prendre le risque au sérieux »

De quoi inquiéter le Covars. L’organisation prochaine de grands évènements sportifs, dont les JO à Paris en 2024, qui engendrent d’importantes migrations de populations, « renforce les risques de survenue de foyers de dengue, Zika et chikungunya », estime-t-il. La même inquiétude avait émergé en 2016 à l’occasion des JO de Rio, avec un Brésil alors « en pleine épidémie de Zika, se souvient Anna-Bella Failloux. La question de les annuler s’est posée, mais ils ont été maintenus, grâce à une campagne efficace de lutte anti-vectorielle. Et il n’y a pas eu de dissémination dans le reste du monde. La situation est moins critique en France, il n’y a pas d’épidémie, mais il faut rester vigilant ».

Car si la France a un système de surveillance, de détection, et de gestion de ces maladies « performant », il reste « perfectible », en particulier en métropole, estime le Covars. Manque notamment une « coordination nationale » permettant d’être informé de la situation des autres régions. « On n’est pas dans un scénario catastrophe, mais on doit prendre le risque au sérieux par des campagnes de prévention ou une meilleure organisation », a conclu la présidente du Covars, Brigitte Autran.

Une lutte « moyens-dépendante »

En pratique, « nous sommes moins préparés à affronter et éliminer ces moustiques tigres que les territoires ultramarins, parce qu’on n’a pas cette éducation face aux moustiques. Mais il existe le “plan anti dissémination chikungunya, dengue et Zika”, mis en place il y a plusieurs années, et qui fonctionne bien. On est performants dans la détection des premiers cas, il y a une traçabilité et un lien entre tous les acteurs, du médecin de ville aux laboratoires d’analyses, des ARS aux équipes de démoustication : il y a un « pipeline » opérationnel. Tous les systèmes sont perfectibles, mais on s’en sort bien ».

Pour améliorer les choses, « c’est toujours moyens-dépendant, souligne Anna-Bella Failloux. Il faut poursuivre la réflexion, mais l’assortir de moyens, sinon c’est vain. Le Covars a posé les bases d’une politique efficace. Et c’est le bon moment pour le faire : on ne se pose pas toutes ces questions quand la pandémie a déjà éclaté, mais en amont, parce qu’on est mauvais sur l’anticipation. Le Covid-19 a mis en lumière la problématique des cas asymptomatiques et ses effets sur la pandémie. C’est maintenant qu’il faut agir ».

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