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Si le droit à l’avortement n’est pas remis en question en France, c’est son application qui risque de devenir compliquée, du moins pour les IVG médicamenteuses. Cela fait en effet plusieurs semaines qu’une pénurie de Misoprostol, l’un des produits utilisés pour cette intervention, est constatée dans certains territoires en France. C’était le cas notamment à Issy-les-Moulineaux, Versailles ou Lille, début avril, selon OTMeds, l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament. Des stocks en berne de manière localisée pour une raison que personne ne s’explique vraiment.

« Je suis allée à la pharmacie ce matin pour savoir où en était la situation et l’on m’a dit ”rupture” sans même pouvoir m’annoncer une date de retour du médicament », déplore Laurette Lauff, conseillère au Planning familial de Lille. Alors que, mercredi dernier, le ministre de la Santé, François Braun, reconnaissait des « tensions » mais pas de « pénurie » tout en promettant un retour rapide à la normale, dans les faits, la pilule abortive se fait toujours aussi rare à Lille. « Nous, on est en rupture, et lorsque je tente de commander auprès de mes deux grossistes, c’est impossible, on me répond ”rupture fournisseur” », assure à 20 Minutes la gérante de la pharmacie de l’Horloge. Même son de cloche auprès des quatre autres officines que nous avons contactées. Toutes, sauf à la pharmacie du Centre où l’on affirme n’avoir jamais eu de souci : « J’en ai toujours eu et si l’on ne peut en obtenir auprès du fournisseur, il suffit de faire une demande directement au labo. »

« Il faut une relocalisation en France »

Néanmoins, les difficultés d’approvisionnement en Gymiso et en Misoone, les deux médicaments à base de la molécule Misoprostol, ne sont pas une vue de l’esprit. D’ailleurs, selon l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM), les premières difficultés remontent à décembre 2021 pour le Misoone, en raison de « problème de transport ». Les signalements de ruptures de stocks se sont ensuite enchaînés avec des motifs comme « capacité de production insuffisante », « augmentation du volume de vente » ou encore « problème réglementaire ». Au Planning familial de Lille, on avance une solution : « cette molécule est sous brevet et les médicaments ne sont fabriqués que dans un nombre restreint de sites. Il faut une relocalisation en France pour éviter cela », insiste Laurette Lauff.

Mais cette dernière ne s’explique pas pourquoi trouver du Misoprostol est plus compliqué à Lille qu’ailleurs. « Ce sont des problèmes de dotations des grossistes dans certaines régions et non un manque fabricant. S’ils ont une dotation de 100 boîtes pour le mois, ils devront attendre le mois suivant pour en avoir d’autres », assure-t-on dans la seule pharmacie qui nous a assuré ne pas être en pénurie. Cela voudrait-il dire que l’on avorte davantage par voie médicamenteuse à Lille qu’ailleurs ? « Non », rétorque-t-on au Planning familial, puisque c’est en Provence-Alpes-Côte d’Azur que l’on avorte le plus, avec une moyenne de 21,8 IVG pour 1.000 femmes.

En élargissant à la France, d’autres y voient une politique mercantile des laboratoires : « De manière générale, les médicaments en France ont des prix de ventre trop bas, et compte tenu du manque mondial, les firmes qui les vendent les réservent aux pays qui les achètent plus cher », estime pour sa part Jean-François Platel, président du Conseil départemental de l’ordre des médecins du Nord (CDOM).

Finalement, peu importe de savoir pourquoi Lille fait partie des parents pauvres côté approvisionnement en Misoprostol. Ce qui inquiète le Planning familial est ailleurs : « Pour l’instant, les médecins se débrouillent, mais il ne faudrait pas que cela continue, parce que se posera alors la question du choix pour les patientes », insiste Laurette Lauff. En effet, selon la durée de la grossesse, les femmes peuvent choisir l’IVG médicamenteuse ou l’aspiration. Sauf que pour cette dernière méthode, « les conséquences physiques et psychologiques peuvent être beaucoup plus lourdes », affirme la conseillère.

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