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Courir après son bus, faire un footing aux Buttes-Chaumont ou monter ses courses jusqu’au cinquième étage un jour de panne d’ascenseur sont autant de situations problématiques pour les personnes qui souffrent d’asthme et ne maîtrisent pas leur maladie. Mais quand on pense à l’asthme, on pense moins à un autre aspect de notre vie : la sexualité. Le sujet est tabou et pourtant, l’impact de cette maladie respiratoire est bien réel.

À l’occasion de la journée mondiale de l’asthme du 2 mai, une enquête * Ifop/Sanofi, que 20 Minutes a pu consulter en exclusivité, vient ainsi mesurer l’impact de cette inflammation chronique sur le quotidien des asthmatiques, et notamment leur sexualité.

Moqueries et remarques

Selon cette enquête, 20 % des personnes souffrant de cette maladie ont déjà évité un rapport sexuel par peur qu’il ne provoque une crise d’asthme. Et ce chiffre est multiplié par deux (41 %) chez les hommes asthmatiques sévères. Car l’acte sexuel majore la fréquence cardiaque et respiratoire et engendre une difficulté à respirer. « On a tous les ingrédients pour avoir des symptômes d’asthme, considère Pascal Chanez, pneumologue et enseignant chercheur à l’Université Aix-Marseille. Quand on a les bronches obstruées en permanence ou hyperréactives, l’effort provoque de la toux, de la pesanteur thoracique et de l’essoufflement. D’autant plus si l’asthme est mal contrôlé. »

L’aspect émotionnel pouvant également être important lors d’une relation sexuelle, « les bronches vont d’autant plus se fermer et les symptômes augmenter. » Un problème que connaît bien Dorian Cherioux, vice président « patients » de l’association Asthme & Allergies. « Quand je ne maîtrisais pas encore ma maladie, à la fin du rapport sexuel, je courrais vers la fenêtre pour prendre une grande bouffée d’air parce que je n’en pouvais plus. »

Un tiers des personnes asthmatiques interrogées (31 %) rapportent même avoir déjà dû « cesser une relation sexuelle afin d’aller prendre un traitement de secours ». Dorian en fait partie. Souffrant d’asthme depuis l’enfance, il lui est déjà arrivé d’interrompre un rapport. « J’avais peur qu’à cause de la crise, je doive appeler une ambulance et leur expliquer le contexte. Je redoutais aussi le potentiel jugement de l’équipe médicale. » Aidant aujourd’hui d’autres malades par le biais de l’éducation thérapeutique, il rencontre de nombreuses personnes asthmatiques lui disant se limiter sur la durée ou la fréquence de leurs relations sexuelles.

Une source d’angoisse

Et cette situation n’est pas sans conséquence. Plus de la moitié des hommes souffrant d’asthme interrogés (56 %) déclarent qu’à cause de leur maladie, leurs performances sexuelles sont parfois « une source d’angoisse ». Et cette peur peut créer une gêne par anticipation. « Ils ont tellement peur d’avoir de l’asthme et de ne pas être à la hauteur de l’enjeu qu’ils stressent et n’ont, par exemple, pas d’érection, raconte Pascal Chanez. C’est la double peine. »

S’ajoute une peur d’être jugé : 21 % des personnes ayant été affectées par de l’asthme disent avoir déjà subi des moqueries ou des remarques liées à leurs capacités sexuelles. Des commentaires encore plus présents chez les asthmatiques sévères. Près d’un homme asthmatique sévère sur deux indique avoir déjà subi des moqueries de ce type.

Un chiffre qui désole – mais ne surprend pas – Dorian Cherioux. « C’est surtout le cas quand on a des partenaires d’un soir ou quand on est jeune et qu’on n’ose pas dire non. » Pour le patient expert, avoir une discussion avec son ou sa partenaire est la seule solution pour faire comprendre ses difficultés et aboutir à une sexualité qui conviendra aux deux. « On n’est pas obligé d’aller dans quelque chose d’intense, explique le vice-président de l’association Asthme & Allergies. On peut aussi faire durer les préliminaires plus longtemps. »

Un sujet tabou

Mais en parler, justement, reste très difficile. Les personnes souffrant d’asthme abordent très rarement l’impact de leur maladie sur leur sexualité avec leur médecin. En un an de consultations, à raison de quarante patients par semaine, dont plus de 60 % d’asthmatiques, Pascal Chanez ne se souvient pas d’une seule personne ayant abordé le sujet avec lui. « Alors que la quasi-totalité de mes patients abordent par contre très facilement la question du sport. »

Pour que le rapport sexuel se passe bien, le pneumologue conseille d’avoir un contrôle parfait de sa maladie au long cours en prenant son traitement de fond, à base de corticoïdes inhalés. « Et si malgré ce traitement bien pris, l’émotion ou l’exercice est trop important, ils peuvent prendre de manière préventive une bouffée de bronchodilatateur, qui dilate les bronches pour au moins douze heures. » Dorian Cherioux conseille également de retirer ou de dépoussiérer les potentielles sources d’allergies, comme de la moquette, des coussins ou des peluches. Pour rappel, l’asthme touche plus de 4 millions de personnes en France et est responsable chaque année de près de 60.000 hospitalisations.

* Enquête menée auprès de 5.009 personnes âgées de 15 ans et plus, incluant 1.111 personnes affectées ou ayant déjà été affectées par de l’asthme, réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 17 au 29 mars 2023.

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