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Ah le pardon, quelle merveilleuse invention, quel incroyable don ! Il peut, nous allons le voir, être un puissant ciment du couple, voire une condition sine qua none pour qu’un amour dure dans le temps. Toutefois, il ne doit pas faire accepter l’inacceptable…

Le pardon, c’est quoi ?

Pardonner ne veut pas dire faire comme si de rien n’était, ni arriver à occulter un événement. Cela consiste à parvenir à accepter cet événement sans éprouver de colère, de rancœur ou de douleur.

Sébastien Garnero, psychologue et sexologue : On peut envisager le pardon comme un processus de transformation de nos perceptions pour dépasser l’offense initiale et ainsi crée un espace potentiel de renouveau pour le couple.

Selon lui, le pardon est en soi, par essence, un acte d’amour : “Le pardon, sur le plan étymologique, vient du latin « perdonare » qui signifie l’action de « donner complètement ». On perçoit déjà que la notion de pardon s’associe bien avec celle de l’amour dans le sens de se donner complètement à l’autre dans le lien amoureux.”

Les bienfaits du pardon dans une relation de couple

Il y a plein de bonnes raisons de pardonner en amour. En voici les principales.

Construire : “Pardonner est souvent nécessaire pour de nombreux couples qui, comme beaucoup, passent par différentes épreuves de la vie (désaccords, disputes, mots qui dépassent sa pensée, mensonges, déceptions, frustrations, incompatibilités de choix, parfois trahisons…). Pardonner, c’est vouloir aller au-delà et continuer à croire dans la capacité de son couple à dépasser les épreuves de la vie de couple.” Si l’on s’arrête à la première difficulté, on ne risque pas d’évoluer ni de faire avancer la relation amoureuse.

Être plus équilibré et serein mentalement : une étude intitulée « Les effets uniques du pardon sur la santé » (source 1) conclut que le pardon est positivement associé à la santé. Plus les personnes pardonnent, moins elles ont un affect négatif. Elles seraient notamment moins en proie à l’anxiété et la dépression.

Être plus positif : selon cette même étude “Lorsque les gens pardonnent, ils éprouvent des motivations réduites à chercher à se venger, des motivations réduites pour éviter leurs transgresseurs, et une bienveillance ou une bonne volonté accrue pour leurs transgresseurs.” “Le pardon est un processus d’abréaction (ndlr : libération émotionnelle, extériorisation d’un refoulement), analyse quant à lui Sébastien Garnero.

Avoir davantage confiance en soi : “Pardonner, c’est aussi pour soi-même, souligne notre expert, il s’agit d’arrêter de se faire du mal psychiquement pour ce que l’autre a pu nous faire subir. ” Le pardon renvoie à une forme d’empathie envers les autres mais aussi envers soi. Ëtre capable de pardonner à l’autre, c’est être capable de se pardonner soi-même, ses imperfections, ses erreurs, etc., et de savoir que “l’erreur est humaine…”

Engager un cercle vertueux : tout cela engage un mécanisme positif pour soi comme pour le couple. On se libère du passé et on cesse d’attendre l’autre au tournant. On crée ainsi la possibilité d’un renouveau perpétuel dans le couple, une capacité à évoluer, à l’infini.

Comment dire pardon ? Comment se faire pardonner ?

Avouer son erreur

Vous connaissez le dicton : « Faute avouée à moitié pardonnée” ? Eh bien en effet, c’est la base : reconnaitre ses torts pour ne pas blesser davantage. Et encore faut-il être honnête dans sa démarche bien sûr.

Demander pardon et être sincère

Sans surprise, l’étude pré citée, affirme que les gens sont plus enclins à pardonner des partenaires engagés que des partenaires moins engagés, et des partenaires qui ont demandé pardon qu’à des partenaires sans vergogne. “Le pardon est salutaire à condition qu’il soit authentique et pas une manipulation, ; il est essentiel que la demande de pardon soit exprimée clairement, sincèrement, détaille notre expert, et qu’elle ne soit pas juste une excuse qui amènerait à justifier la blessure infligée ou d’autres offenses ultérieures.”

Faire un travail sur soi pour ne pas répéter la faute

Saint Augustin aurait dit “Errare humanum est” : l’erreur est humaine, certes, mais il aurait aussi ajouté “perseverare diabolicum”, ce qui veut dire que la reproduire est diabolique. Comme l’explique Sébastien Garnero, « l’offenseur doit donc réaliser un travail psychique important pour ne pas répéter ces mêmes processus qui ont conduit à ces blessures. Il se doit également d’être droit et honnête, irréprochable dans son comportement, et un véritable soutien pour son ou sa partenaire ; sans quoi il ne pourra pas y avoir de pardon. Ce difficile processus du travail psychique du pardon est indispensable pour la relance du couple.”

Conditions de réalisation : comme le souligne notre expert, “il ne faut jamais banaliser une offense, ni une injustice, une forme d’agression verbale, ou physique, un manque de respect qui pourrait en entraîner d’autres… La victime se sent atteinte dans le plus profond de son être, et cela peut parfois conduire à des traumatismes, ou à des blessures affectives risquant d’aboutir à des émotions extrêmement négatives (tristesse, rancœur, rancune, colère…) entraînant déficit d’estime de soi, culpabilité. » À la clé dans certains cas : un cortège de mal-être psychique avec troubles anxieux, dépression, troubles psychosomatiques …

Apprendre à pardonner : le pardon en psychologie

“Évidemment c’est bien souvent complexe, prévient notre psychologue sexologue, et cela prend un certain temps, de quelques mois à plusieurs années, voire jamais dans certains couples. Il s’agit pour la plupart des couples de traverser un chemin tortueux en plusieurs étapes mais qui sera libérateur au bout du compte.

Les différentes étapes du travail psychique du pardon

La phase de découverte, ou de blessure psychique (phase émotionnelle négative), est marquée par la colère, le ressentiment, la tristesse… l’offenseur reconnaît les faits, gestes, mauvaises paroles qui ont pu blesser son conjoint et l’offensé se sent reconnu et compris dans sa blessure, ce qui pourra, au fil du processus, avoir un effet libérateur pour chacun des membres du couple.

Vient ensuite la phase cognitive : la personne décide consciemment qu’elle souhaite pardonner à l’autre pour des raisons ou des motivations qui lui sont propres. Durant cette phase dite cognitive, la victime analyse et met en perspective les circonstances, le contexte, les éléments de vie qui ont pu amener l’autre à commettre l’offense, l’injustice, la trahison qu’elle a vécue.

Après ce processus de compréhension et d’analyse, elle peut petit à petit prendre une certaine distance par rapport aux éléments négatifs, elle entre alors dans une phase émotionnelle neutre où un processus de substitution commence à opérer. À la colère, la rancœur, la tristesse et le cortège d’émotions négatives se substituent des émotions plus neutres, puis un processus d’empathie pour l’offenseur qui amène parfois à ressentir une certaine compassion (phase de transformation émotionnelle positive).  Souvent de façon épisodique, des éléments de négativité peuvent revenir à la surface lors de l’évocation de souvenirs, de circonstances, de lieux, de situations en lien avec les faits reprochés.

Par la suite, si le couple se consolide (phase de consolidation) et dépasse cette épreuve par le pardon, de nouvelles modalités de se vivre ensemble pourront advenir.
Ces nouvelles bases solides, permettront une évolution plus efficace et une relation saine et plus stable du couple.”

Peut-on tout pardonner ? Les réserves et contre-indications au pardon dans le couple

“Bien entendu, il ne s’agit pas de pardonner tout et n’importe quoi au détriment de soi, de sa dignité, et de sa santé physique et mentale. Pour la plupart des couples, quelques mots qui dépassent leurs pensées, vexations, petites déceptions, disputes… seront des éléments aisément pardonnables (hormis si cela devient un mode de fonctionnement maltraitant qui se généralise a l’ensemble de la vie quotidienne).

En revanche, certains cas sont plus graves.

En cas de violences

Violences physiques : ainsi que le souligne notre expert, il est important de rappeler ici quelques chiffres concernant les violences conjugales : “Sur la période de 2011 à 2018, d’après l’enquête Cadre de vie et sécurité, les violences conjugales (violences physiques et/ou sexuelles exercées par le conjoint ou l’ex-conjoint) ont fait en moyenne 295 000 victimes par an en France métropolitaine, dont 213 000 femmes (72 %). En 2020, en France, 125 morts violentes au sein du couple ont été recensées par les services de police et unités de gendarmerie ; parmi les victimes, 102 sont des femmes.

Hors homicides, les forces de sécurité ont recensé 159 400 victimes de violences conjugales commises par leur partenaire (+ 10 % par rapport à 2019), dont 139 200 femmes (87 %). Il s’agit majoritairement de violences physiques volontaires ayant entraîné ou non une incapacité totale de travail. Depuis 2017, les faits de violence conjugale enregistrés ont augmenté de 42 %, traduisant probablement en partie une évolution des comportements des femmes victimes, davantage incitées qu’avant à déclarer les faits… (CF Insee extrait parution 2022). (Ndlr : Notez qu’on ne parle là que de violences recensées !)

Violences psychologiques (humiliations, menaces, etc.) : elles peuvent toucher les deux sexes dans les problématiques conjugales mêmes si elles sont peu répertoriées du fait de l’absence de plaintes ou de faits parfois difficilement caractérisés d’un point de vue judiciaire.”

Peut-on pardonner une trahison ?

Les trahisons, mensonges, infidélités : elles peuvent être difficilement surmontables dans la mesure où elles ont avoir avec l’intime, la complicité, la sexualité, et le contrat sentimental plus ou moins explicite ou implicite d’une confiance mutuelle qui a été rompue à travers les mensonges, les trahisons diverses. Certains couples ne s’en remettront pas, d’autant plus si la trahison a duré, a constitué une forme de double vie, a amené des conséquences particulièrement difficiles pour celui qui en a été victime. Pour certains couples, la rupture d’un lien toxique sera la meilleure solution. Pour d’autres, souvent dans des cas de figures plus légers, le pardon peut signer un nouveau départ, à condition qu’ils soient deux dans cette dynamique évolutive de leur couple.”

“Dans la plupart de ces situations plus graves, associant la maltraitance psychique voire physique, et parfois les trahisons et infidélités chroniques, il ne s’agira absolument pas de pardonner, mais de se soustraire le plus rapidement possible à l’emprise de l’autre et de sa violence et/ou de ses manipulations. Le pardon sera surtout pour soi-même, afin de se déculpabiliser de quitter une situation toxique et destructrice, d’accepter que certaines personnes ne changent pas, et que la seule solution est de rompre ce lien destructeur pour préserver son intégrité psychique et physique, voire et celle de ses enfants quand on en a.”

Pardonner c’est vital pour aller de l’avant et permettre à une relation de s’ancrer dans le temps. Parce que l’intransigeance ne mène nulle part. Mais si l’on est avec une personne malveillante ou manipulatrice, qui met notre santé mentale et/ou physique en jeu, alors, il faut trouver le courage de partir.

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