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Sa jambe est enfermée dans une longue attelle bleu marine depuis quelques jours seulement. Mais déjà, Shaïa trépigne d’impatience de pouvoir reprendre le sport. Âgée de 14 ans, l’adolescente s’est blessée lors d’un match de handball disputé le week-end dernier. « Ça fait cinq ans que je fais du hand et c’est très important pour moi. C’est une passion, un truc un peu addictif. Je suis triste de m’être blessée, car je ne pourrai pas finir la saison. Ça me manque déjà, je ne sais pas comment je vais faire pour tenir un mois ». Cette élève du collège Jean-Monnet de Janzé faisait partie des 300 élèves de 4e et de 3e invités par le département d’Ille-et-Vilaine et le Stade Rennais ce jeudi 4 mars dans le cadre du projet « Bouge ».

Initié par le club de football professionnel, ce programme vise à promouvoir l’activité physique et « un mode de vie actif ». Née en 2021 alors que la France vivait parfois confinée et avachie dans son canapé, l’opération s’est souvent tournée vers les publics les plus éloignés des terrains de sport dans le seul but de les faire bouger. « Le corps est une machine incroyable mais il a besoin de bouger donc il faut l’entretenir. On passe beaucoup trop de temps assis », explique le docteur Sophie Cha. Aux côtés de la médecin du sport, le Stade Rennais avait fait appel à un ambassadeur de renom. Triple champion d’Europe, triple champion du monde et triple champion olympique, le handballeur français Luc Abalo a tenté de convaincre les adolescents de la nécessité de bouger. « Ce qu’il faut avant tout, c’est prendre du plaisir. Le sport ne doit pas vous prendre la tête. La meilleure des solutions, c’est de faire du sport avec vos amis, d’en faire un moment convivial », témoigne celui qui vient de prendre sa retraite sportive il y a un mois.

300 élèves d'un collège de Janzé, près de Rennes, ont assisté à une conférence de l'ancien champion de handball Luc Abalo autour de la pratique sportive.
300 élèves d’un collège de Janzé, près de Rennes, ont assisté à une conférence de l’ancien champion de handball Luc Abalo autour de la pratique sportive. – C. Allain/20 Minutes

Le message du célèbre ailier de l’équipe de France passe facilement auprès d’une partie de l’audience. « J’ai fait plein de sports depuis que je suis petit. Je sens que j’en ai besoin », témoigne Johan. L’adolescent joue au football « trois à quatre fois par semaine » et prend régulièrement son vélo pour bouger dans Janzé. A l’autre bout de la salle, Klervie acquiesce. L’adolescente de 15 ans pratique régulièrement la course à pied. Mais contrairement à bon nombre de ses camarades, elle n’est inscrite dans aucun club. « J’y vais toute seule ou avec des amies quand j’ai du temps libre. Je m’y suis mise parce que je n’avais plus d’activité. Je savais qu’il fallait que je me remette au sport car c’était bon pour ma santé. J’ai commencé à courir ». Aujourd’hui, Klervie fait un footing chaque semaine. « J’aime bien aller avec une copine. On peut discuter, passer un moment ensemble ». Quand elle ne peut faire sa séance, l’adolescente dit se sentir « en manque ». Les méfaits sont pourtant connus : obésité, pression artérielle, risques cardiovasculaires et diabète guettent les moins actifs.

« J’ai un peu la flemme »

Tous les collégiens assis dans la salle ne partagent pas le même enthousiasme pour la pratique sportive, notamment chez les filles, qui semblent plus nombreuses à ne pratiquer aucune activité. « Je faisais de la gym et de la natation mais j’ai arrêté quand j’ai déménagé. Je sais que le sport est bon pour la santé mais j’ai un peu la flemme. J’ai l’impression de ne pas avoir le temps d’en faire », témoigne Ocella, élève de 3e.

« J’ai arrêté la danse car je me suis blessée et franchement, ça ne me manque pas. Je marche 10 minutes pour venir au collège et c’est tout. Je sais que ce n’est pas assez mais je n’ai pas envie. Ça me saoule d’entendre qu’il faut faire du sport absolument. Il y a des gens qui en ont besoin. Moi, j’ai l’impression que non », assume Marie.

Toutes les études menées ces cinquante dernières années tendent pourtant à démontrer le contraire. Depuis l’arrivée de la voiture et de l’électricité, la population française a eu tendance à s’encroûter, sa jeunesse en premier. Résultat : les adolescents ont perdu 25 % d’endurance entre 1971 et 2011. En France, 80 % des collégiens ne pratiquent pas l’heure quotidienne d’exercice recommandée par les médecins.

300 élèves d'un collège de Janzé, près de Rennes, ont assisté à une conférence de Luc Abalo autour de la pratique sportive.
300 élèves d’un collège de Janzé, près de Rennes, ont assisté à une conférence de Luc Abalo autour de la pratique sportive. – C. Allain/20 Minutes

Le pire pourrait même être à venir. Avec le Covid et les confinements, certains jeunes ont arrêté de bouger, faisant planer la menace sérieuse d’une diminution de l’espérance de vie. « Moi aussi, ça m’est arrivé. Je passais mes journées assis sur mon canapé à regarder des séries », concède Luc Abalo, comme pour montrer que les sportifs de haut niveau n’échappent pas à la flemme. « Parfois, tu n’as pas envie. Mais il suffit de se donner un coup de boost, de se trouver un défi », témoigne le champion olympique.

Face aux injonctions répétées de leurs parents, de leurs enseignants et de notre société à vouloir leur faire faire du sport, les adolescents dressent pourtant un constat accablant : pour courir, danser ou jouer, ils manquent cruellement de temps. « On rentre à 17h30 après une journée de cours, on a plein de devoirs à faire. J’aimerais bien faire plus de sport, mais j’ai l’impression de ne pas avoir le temps », regrette Briac. Micro en main, un élève ose la question devant toute l’assemblée. « Est-ce qu’il ne faudrait pas arrêter les cours plus tôt pour pouvoir faire du sport ? », interroge l’adolescent. Rires gênés du corps enseignant. Ces mêmes adultes qui les incitent à bouger mais leur demandent de rester assis toute la journée.

Ecourter les cours pour faire du sport ?

La pratique est pourtant courante chez nos voisins allemands et scandinaves, qui consacrent une grande partie de leur après-midi à la pratique sportive. Réponse du proviseur du collège ? « Nous y travaillons. Il y a déjà un quart d’heure de lecture qui existe. Pourquoi ne pas mettre en place un quart d’heure pour bouger ? », questionne-t-il à voix haute. Il en faudra sans doute un peu plus pour remettre toute une génération en forme. Le conseil du docteur Cha sera donc simple : « Depuis qu’on est en maternelle, on dit aux enfants d’arrêter de gigoter, de rester assis. Mais en 2023, on vous dit de bouger plus, alors allez-y, faites-le ! Saisissez toutes les petites opportunités pour bouger, pour vous lever, pour marcher ».

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