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La rentrée approche à grands pas. Mi-mai, les soignants suspendus faute de schéma vaccinal complet contre le Covid-19 vont être réintégrés et pourront reprendre leur travail, a annoncé avant le week-end le ministre de la Santé, François Braun. Une décision qui fait suite à l’avis favorable de la Haute autorité de santé (HAS), donné fin mars, quant à la levée de l’obligation vaccinale pour les soignants et les autres professionnels concernés. Fin 2021, elle avait été imposée à 2,7 millions de personnes au total, et quelques milliers avaient été suspendues après l’avoir refusée. Une proportion très faible au regard des effectifs : en mars, le ministère estimait par exemple qu’« autour de 0,3 % » des agents hospitaliers avaient été suspendus. 

Et fait nouveau, les députés ont adopté ce jeudi en première lecture une proposition de loi pour abroger – et pas seulement suspendre – cette obligation vaccinale, contre la volonté du gouvernement.

Abrogation, et non suspension 

La réintégration des personnels suspendus était devenue un cheval de bataille politique, notamment pour le RN et LFI. Mais l’annonce faite en ce sens par le ministre de la Santé n’a visiblement pas été jugée suffisante par de nombreux députés d’opposition, notamment d’outre-mer. A l’instar de Jean-Victor Castor (Guyane), auteur du texte voté ce jour. « Le décret [prévu par le gouvernement] ne fera que suspendre les suspensions, laissant la possibilité » d’y recourir à nouveau, a-t-il insisté. Son texte prévoit également que les agents « conservent le droit à l’avancement qu’ils possédaient avant la suspension ».

Les députés de gauche se sont notamment attachés, lors du débat, à rejeter les accusations de « complotisme ». « Je redis le respect que nous avons pour les scientifiques, pour la vaccination », a insisté le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. 

« Le complotisme l’a emporté sur la science »

Mais ce vote a fait bondir nombre de soignants. « Merci LFI. Ce sont les plus pauvres, ceux qui vivent dans la promiscuité, qui ont le plus subi, regrette le médecin urgentiste Mathias Wargon sur Twitter. Ce sont les aides-soignantes, brancardiers, infirmières qui étaient au plus près des patients. En piétinant l’obligation vaccinale, vous faites le lit des prochaines épidémies », a-t-il reproché aux élus insoumis. Le président du Conseil national de l’ordre des médecins, Jean-Marcel Mourgues, a quant à lui évoqué son « incompréhension », alors que « le Covid continue de rendre malade et de tuer beaucoup de monde ». Aujourd’hui encore, « il tue plus que la grippe, avec 206 morts » en France sur la dernière semaine d’avril, a-t-il rappelé.

Et François Braun ? « Le complotisme l’a emporté sur la science lors des débats à l’Assemblée. La vaccination est une arme de protection massive, mais les oppositions ont décidé d’envoyer un message regrettable aux soignants », a-t-il réagi sur Twitter. « Quand le ministre annonce hier la réintégration des soignants non vaccinés et déplore aujourd’hui l’abrogation de l’obligation vaccinale, il y a un problème de cohérence », tacle alors Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers. 

La crainte du discours antivax auprès des patients

Pour les professionnels de santé qui s’apprêtent à voir revenir des collègues non-vaccinés, les dernières annonces suscitent donc l’inquiétude. « On s’interroge sur le retour dans nos services de soignants hostiles à la vaccination, qui rejettent les données scientifiques, et sur le discours qu’ils pourraient tenir auprès des patients, confie Thierry Amouroux. Il y a d’abord la prévention de risques sanitaires par la vaccination des soignants : les protéger d’une contamination sur leur lieu de travail, et éviter qu’ils ne causent aux patients des contaminations nosocomiales, insiste-t-il. Mais il y a aussi tout l’aspect déontologique : on a des personnes qui, après presque deux ans de suspension, tiennent des discours antivax et complotistes. Ces soignants-là, s’ils reprennent leur activité et que le vote de l’abrogation de l’obligation vaccinale est confirmé [le texte doit maintenant être examiné par le Sénat], que vont-ils répondre aux patients fragiles qui les questionnent sur le bien-fondé de la vaccination ? »

Des craintes partagées par le Dr Jérôme Marty, médecin généraliste et président de l’Union française pour une médecine libre (UFML), qui déplore la décision du ministre de la Santé de réintégrer les soignants non-vaccinés. « Ceux qui ont quitté le bateau en pleine tempête, qui ont laissé leurs consœurs et confrères faire face à leurs défections, qui ont épousé des thèses folles et anti-sciences sans en être revenus, qui, alors qu’ils disposaient de vaccins hors ARN, ne l’ont pas fait, qui continuent à propager des idées transmises par des escrocs, qui capitalisent sur la charlatanerie, ceux-là n’ont pas à êtres réintégrés ». « Ceux qui pensent que le vaccin participe d’un vaste plan qui vise à éradiquer une part de l’humanité n’ont rien à faire dans le soin », fait-il savoir ce jeudi à François Braun.

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