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« Retraites ! Climat ! Même combat ! Pas de retraités sur une planète brûlée. » A l’heure où le voisin espagnol est touché par une canicule particulièrement précoce, le slogan des militants écologistes se fait soudain plus concret. L’été 2022, dont les trois épisodes caniculaires ont causé près de 3.000 morts selon Santé publique France, semble voué à se répéter. Dès lors, maintenant que le gouvernement a fait passer sa retraite, le défi n’est pas seulement de travailler jusqu’à 64 ans. Mais d’être capable de le faire dans un Paris à 50 °C.

« Avant de travailler plus, c’est la nécessité de travailler autrement qui va se poser à nous », tranche Jean-François Naton, corapporteur de l’avis « Travail, santé, environnement » dévoilé par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) mardi. Alors, comment adapter les conditions de travail au changement climatique ? Prévention, formation, rythme et lieu de travail, tout est à repenser pour l’élu CGT, qui s’est entretenu avec 20 Minutes.

Agir dès cet été

Dans son rapport, le Cese appelle à mettre en place des mesures au plus tôt, en prévision d’un nouvel été particulièrement difficile pour certaines professions. « Il faut prendre en compte la canicule comme une intempérie pour arrêter les travaux », notamment dans la voirie ou le bâtiment, plaide Jean-François Naton. A l’heure actuelle, seuls des phénomènes comme la neige ou la grêle figurent sur la liste des intempéries qui permettent de suspendre le travail.

« Pour les métiers de l’extérieur, la question va très vite se poser », alerte-t-il. Entre contact du soleil brûlant et sécheresse, les journées s’annoncent particulièrement pénibles pour les agriculteurs. Mais l’enjeu est valable « pour l’ensemble des travailleurs ». Jean-François Naton préconise de mettre en place rapidement des « dynamiques d’écoute pour tenir compte des réalités de ceux qui travaillent », et engager rapidement le débat sur « comment affronter l’été » au sein de chaque entreprise. C’est notamment à ce niveau que peuvent se jouer des problématiques liées au manque de sommeil et aux difficultés à prendre les transports en temps de canicule.

Le dialogue social à défaut de loi

« Toute la philosophie » du rapport du Cese repose d’ailleurs sur le dialogue au sein des entreprises et des branches de métiers, souligne Jean-François Naton. Parmi les préconisations de l’avis, l’inscription d’un « devoir d’écoute » en tant que « principe de prévention dans le Code du travail » figure en bonne place. « Il faut écouter les travailleurs pour prendre en compte les conditions et la réalité du travail, et non ce que peut en penser un ministère ou une direction », vante l’élu CGT.

L’ancien cuisinier n’a d’ailleurs pas de mot assez fort pour dénoncer l’action du gouvernement. « Il n’y a pas un mot sur la transformation des conditions de travail dans la feuille de route d’Elisabeth Borne sur les 100 jours », qui court pourtant jusqu’à cet été, déplore le vice-président du Cese. « C’est criminel d’avoir repoussé l’âge de départ à la retraite de manière idéologique sans se poser la question de comment on tient », en particulier l’été, juge-t-il. Le Cese n’incite d’ailleurs pas à « rajouter des lois », mais met l’accent sur la sensibilisation et la formation « des dirigeants et des élus à la prise en compte des phénomènes en cours ».

Adapter, atténuer, ralentir

Reste à voir comment adapter la charge de travail au poids que fait peser le climat sur les corps. « L’impact de la chaleur doit être analysé à l’aune de la situation physique » de chacun, estime Jean-François Naton. Décaler les horaires, couper les journées, mais aussi « ralentir » et « adapter l’intensité et la densité de travail à l’âge » sont ainsi des pistes avancées par le corapporteur du texte, pas opposé à une baisse du nombre d’heures travaillées les dernières années avant la retraite.

Il pointe aussi des tours de bureaux, des écoles et des hôpitaux « particulièrement mal adaptés à la chaleur, avec le soleil qui tape sur de grandes baies vitrées ». C’est là que pointe le danger de la « mal-adaptation : mettre la clim, c’est contribuer au problème ». Les solutions simples (rideaux, réaménagement de l’espace) existent à court terme, mais il faudra repenser nos lieux de travail à l’avenir. Enfin, Jean-François Naton cite un « grand défi de connaissance » sur les risques liés « aux solvants et à la peinture » dans une chaleur étouffante, sur lesquels la recherche doit encore se pencher.

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