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Apprendre à s’aimer : ça veut dire quoi ?

L’importance de s’aimer soi-même pourrait sonner comme une énième injonction moderne – aux côtés de l’injonction au bonheur, à la réussite ou encore à la bienveillance. Une énième façon de se faire dicter ce qu’il faut ressentir, quitte à en perdre son jugement et son sens critique. « Pourtant, l’estime de soi, intimement liée à la confiance en soi et à l’amour-propre, est indispensable à notre équilibre mental, à notre santé émotionnelle et donc à notre bien-être », assure Johanna Rozenblum.
L’amour de soi ne doit pas non plus être confondu avec un narcissisme mal placé ou une façon de combler un égo fragile. Nous avons tous nos défauts et nos travers qu’il ne s’agit pas de nier, mais le self-estime consiste surtout à savoir reconnaître, valoriser et apprécier nos valeurs et nos forces, comme nous sommes capables de le faire avec les personnes que nous aimons. Il s’agit finalement de l’attention que l’on se porte, et de l’importance que l’on s’attribue.

Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne : Se dire que l’on ne vaut pas moins que quelqu’un d’autre et faire passer ses propres besoins en priorité, sont des choses essentielles au quotidien pour aller dans le sens de ce qui nous est favorable et pour faire les bons choix de vie.

Comment l’amour de soi se construit-il ? Par quoi peut-il être impacté ?

L’amour de soi se construit beaucoup dans la petite enfance, à travers le regard et les mots de son entourage et principalement de ses parents. « Les enfants qui ne perçoivent pas suffisamment l’amour, la considération et l’émerveillement dans les yeux et le comportement de leurs parents peuvent avoir tendance à se résigner et à ne pas avoir les éléments nécessaires pour construire leur assise narcissique. Ce sont des enfants qui risquent de manquer de confiance en eux, et probablement d’amour-propre », résume la psychanalyste. L’amour de soi peut aussi être émaillé au cours de la vie adulte, par des épreuves, des échecs, des abus de pouvoir ou encore des relations toxiques.

L’importance de s’aimer : pourquoi s’accepter soi-même ?

Johanna Rozenblum : Sans amour propre, on se déconsidère et on ne se sent pas suffisamment légitime pour prendre soin de soi : c’est une forme de négligence envers soi-même. 

Cette dépréciation et cette négligence peuvent aboutir à une situation de mise en échec récurrente. Les relations sentimentales, amicales, sociales ou professionnelles s’en ressentent alors inévitablement. « En manquant d’estime de soi, on peut rester dans une situation qui ne nous satisfait pas parce qu’on pense ne pas mériter mieux », souligne la psychanalyste. La dépréciation devient alors un biais de pensée : chaque échec conforte dans la mésestime de soi-même.

Pour aimer les autres faut-il s’aimer soi-même ?

« L’important est de s’aimer soi-même pour mieux aimer les autres », écrivait le philosophe et essayiste Benoît Lacroix dans son livre Nous, les vieux : dialogue sur la vie et ses choses. Pour Johanna Rozenblum, l’amour de l’autre n’est pas forcément incompatible avec un manque d’amour-propre. « On peut être à la fois très dur avec soi-même et très empathique et tolérant avec les autres », souligne la psychologue. « En revanche, je pense qu’il est essentiel de s’aimer soi-même pour envisager et accepter de se laisser aimer des autres », nuance-t-elle. Et en ce sens, une relation amoureuse équilibrée et donc à double sens, peut être difficile à établir avec quelqu’un qui se déprécie constamment.

Johanna Rozenblum : Incapables de croire que quelqu’un peut les aimer, ces personnes peuvent auto-saboter leur relation de couple et la mettre en échec.

Comment s’accepter avec nos imperfections ?

Exercices : comment apprendre à s’aimer et se faire du bien ?

« S’aimer soi-même est le début d’une histoire d’amour qui durera toute une vie », disait très justement Oscar Wilde. Et en effet, l’enjeu est de taille, car s’il est possible de s’éloigner d’une personne que nous n’aimons pas, nous sommes destinés à cohabiter avec nous-même jusqu’à notre dernier jour. Alors comment se réconcilier avec soi-même et apprendre à s’aimer jusqu’à ce que la mort nous sépare ?

S’accepter déjà tel que l’on est, avec ses imperfections

Ne pas s’aimer c’est souvent tomber dans le syndrome du « personne ne m’aime », fataliste et irrévocable. « Je ne m’aime pas, je ne suis pas aimable », « personne ne m’aime, c’est comme ça quoi que je fasse » : un cercle vicieux infernal dont il est difficile de s’extraire.

Et si, pour s’aimer, la première étape était déjà de se connaître et de s’accepter, avec ses limites, ses imperfections, ses aspérités, ses failles et ses faiblesses ? Car aussi galvaudée puisse-t-elle être, l’affirmation « personne n’est parfait » est vraie et mérite qu’on se la rappelle régulièrement. Il n’y a pas non plus de corps parfait, mais il est possible d’apprendre à accepter son corps. Ce n’est pas parce que votre IMC n’est pas dans la norme que vous devez complexer, même s’il n’est pas toujours évident à l’ère des réseaux sociaux, experts dans l’art de lisser les choses, masquant les failles et imperfections de la vraie vie. Et c’est aussi en ayant conscience de ses défauts, qu’il est ensuite possible d’assumer ses erreurs, d’accepter la critique, de se remettre en question et de ne pas se poser en victime. « En apprenant à se critiquer, on apprend aussi à développer un libre arbitre, essentiel pour s’affirmer », estime Johanna Rozenblum.

Apprendre à s’affirmer

« S’aimer c’est avant tout se considérer comme une priorité et savoir se faire passer avant les autres », rappelle encore Johanna Rozenblum. C’est donc aller dans le sens de ce qui nous est favorable, prendre les bonnes décisions au bon moment, quitte à dire non et à décevoir notre entourage. Les personnes qui se déprécient ont tendance à ne jamais dire « non », se pensant éternellement redevables des autres et oubliant de privilégier leurs propres besoins. Apprendre à dire non est donc une étape essentielle pour apprendre à s’aimer à sa juste valeur. On peut s’y essayer progressivement, avec des exercices simples, en débutant par des refus peu engageant, adressés à des personnes qui ne font pas partie de notre entourage proche. Savoir dire non est ici encore une façon de se faire passer en priorité par rapport aux autres, étape essentielle dans le chemin de l’amour de soi.

Être bien et bienveillant avec soi-même : déconstruire ses schémas de pensée

Une fois ses défauts acceptés, l’apprentissage de l’amour de soi passe bien entendu par la bienveillance avec soi-même. Les personnes en manque de self-estime ont mis en place un certain nombre de schémas de pensées négatives, dites patterns : « je ne suis pas à la hauteur », « je ne mérite pas l’amour/le bonheur/la réussite »… qui entretiennent leurs croyances limitantes et leur dépréciation. Elles sont souvent bien plus dures avec elles-mêmes qu’elles ne le seront jamais avec les autres et sont difficilement capables de faire preuve d’auto-bienveillance.

« Il faut retravailler ces schémas de pensée, les déconstruire pour en reconstruire de nouveau », indique Johanna Rozenblum. C’est notre enfant intérieur qu’il faut alors solliciter, pour comprendre d’où viennent ces patterns et les détricoter.

Psychologie : la thérapie comportementale cognitive (TCC)

La thérapie comportementale cognitive (TCC) est une forme de traitement comportemental à court terme (à la différence de la psychanalyse) qui a pour but d’aider les personnes à prendre en charge leur souffrance psychique, et qui peut être une bonne réponse au manque d’amour de soi.

La TCC apprend à regarder les choses au travers d’un autre prisme pour appréhender les évènements différemment et réussir progressivement à changer son mindset

L’un des outils très efficace en TCC s’appelle les « colonnes de Beck » élaborées par Aaron Beck pour aider ses patients, à l’aide d’exercices, à mettre en évidence clairement leurs pensées dysfonctionnelles afin de mieux les analyser et les surmonter. « Il se présente sous forme d’un tableau de plusieurs colonnes : la première met en place une situation, la seconde consiste à analyser les émotions qu’elle suscite, la troisième à identifier la pensée automatique biaisée par les fausses croyances et le conditionnement, et la quatrième à réfléchir à une pensée rationnelle », décrit la spécialiste. Par le biais de ces exercices, ce travail aide la personne à réévaluer son état d’esprit, son image de soi, et à progressivement se délester de ses pensées négatives et croyances limitantes.

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