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L’exposition au bruit sur notre lieu de travail est susceptible d’affecter notre santé physique et mentale. En France, le bruit est d’ailleurs reconnu comme cause de maladies professionnelles depuis 1963. Aujourd’hui, plus de trois millions de personnes y sont exposées sur leur lieu de travail dans l’Hexagone, de manière prolongée et à des niveaux potentiellement nocifs, selon le ministère du travail, du plein-emploi et de l’insertion (source 1). Surdité, stress, augmentation des accidents au travail et perte de productivité sont autant de conséquences délétères qui peuvent en découler. Mais qu’entend-on par « bruit » exactement ? À quel moment devient-il dangereux ? Et comment limiter son impact sur notre santé ? On fait le point.

Bruit au travail : qui est concerné ?

Selon une enquête Ifop publiée en octobre 2022, « le bruit et les nuisances sonores au travail perturbent plus de la moitié des actifs français, et leur intensité varie selon l’environnement de travail, l’âge, et le secteur d’activité » (source 2). Dans le détail, 16 % des actifs disent souffrir « souvent » du bruit et 35 % disent en souffrir « de temps en temps ».

Les secteurs d’activité les plus concernés, selon cette enquête : le commerce, incluant la réparation d’automobiles et de motocycles, les transports et l’entreposage, l’hébergement et la restauration (61 %) ; l’agriculture et l’industrie (58 %) ; le BTP et la construction (57 %) et le champ des services et de l’administration (48 %).

Contrairement aux apparences, les personnes qui travaillent dans les secteurs industriels ne sont donc pas les seules concernées par les nuisances sonores au travail. Les employé(e)s de bureau, le personnel médical (les infirmières, les techniciens de laboratoire, les ambulanciers, etc.) et les employé(e)s de la restauration peuvent être dérangé(e)s par des bruits environnementaux au même titre qu’un ouvrier qui serait dérangé par des bruits de marteau-piqueur.

Qu’est-ce qu’un bruit excessif au travail ?

Un bruit excessif au travail implique que le niveau sonore ambiant dépasse les limites acceptables et perturbe le bon déroulement des activités professionnelles. Comme le rappelle l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), « on parle de bruit lorsqu’un son ou un ensemble de sons est perçu comme gênant » (source 3). Autrement dit, le bruit peut être considéré comme une notion subjective, puisque le même son peut être agréable et utile pour certain(e)s, mais dérangeant pour d’autres à un moment T.

Mais le bruit peut aussi être caractérisé par son niveau et sa fréquence : « au-delà d’une certaine limite (niveau sonore très élevé), tous les sons sont gênants, voire dangereux, même les sons agréables comme la musique », souligne l’Institut. Pour rappel, le niveau de bruit (le fait qu’un son soit faible ou fort) se mesure en décibels (dB). La fréquence, elle, correspond à la hauteur du son : plus elle est élevée plus le son est aigu, et inversement, plus elle est basse, plus le son est grave. Elle est exprimée en Hertz (Hz).

D’où vient ce bruit délétère ?

Pour savoir si une situation d’exposition est potentiellement dangereuse pour la santé, on détermine le « niveau cumulé » de bruit, qui prend en compte le niveau sonore perçu par le travailleur ou la travailleuse et la durée d’exposition.

Selon les préconisations de l’Organisation mondiale de la santé, l’idéal serait de travailler dans un environnement sonore ne dépassant pas les 45 dB. Mais les sources de bruit peuvent être nombreuses – y compris dans des bureaux partagés : machines, équipements, outils, systèmes de ventilation, téléphones et ordinateurs, voix, musiques d’ambiance, etc. Sans compter que le bruit se propage facilement et potentiellement très loin… À moins de se heurter certains obstacles.

Le ministère du travail, du plein-emploi et de l’insertion identifie plusieurs exemples de situations à risque (source 1) :

  • une ambiance sonore bruyante, comparable à celle d’une rue à grand trafic, d’un restaurant très fréquenté ou encore au bruit d’un aspirateur, pendant la majeure partie de la journée ;
  • la nécessité d’élever la voix pour tenir une conversation à deux mètres de distance, et ce pendant un temps significatif ;
  • l’utilisation d’outils ou d’équipements motorisés bruyants pendant plus de la moitié de la journée ;
  • le fait de travailler dans une branche d’activité industrielle réputée bruyante, telle que : le bâtiment et les travaux publics, la production de béton, les industries des produits minéraux, l’industrie du bois-papier, la plasturgie, les industries agroalimentaire et textile, la métallurgie et la transformation des métaux, la construction automobile et des équipements mécaniques ;
  • l’existence de bruits occasionnés par des impacts (coups de marteau, forgeage au pilon, outils pneumatiques de démolition) ou de sources explosives (outils à cartouche explosive, détonateurs, armes à feu).

Quel est le seuil acceptable de bruit (combien de décibels) ? Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de prévention ?

Selon la directive européenne 2003/10/CE, le seuil de danger au-delà duquel des dommages peuvent survenir est estimé à 85 décibels « A » dB (A) (niveau moyen sur une journée de travail de huit heures). À partir de ce seuil, les employeurs ont l’obligation de :

  • signaler et / ou limiter l’accès aux zones bruyantes ;
  • fournir et rendre obligatoire le port de protecteurs auditifs individuels contre le bruit (PICB), comme des bouchons d’oreilles ou des casques antibruit ;
  • mettre en place un programme de mesures techniques ou d’organisation du travail visant à réduire l’exposition au bruit ;
  • instaurer, si nécessaire et après avis du médecin du travail, un suivi individuel renforcé (SIR).

On peut aussi considérer que l’exposition est préoccupante à partir d’un niveau sonore moyen de 80 dB (A) sur huit heures. Dans ce cas les employé(e) s sont fortement incité(e) s à utiliser les PICB fournis, à respecter les mesures de prévention et les formations sur le risque mises en place par leur employeur. Un examen audiométrique régulier peut aussi être réalisé sur demande des salarié(e) s ou des médecins du travail dans le cadre d’une visite médicale périodique.

Voilà pour ce qui est des seuils réglementaires, mais en réalité, une exposition à un niveau sonore équivalent à 50, 60 ou 70 dB (A) sur le long terme peut aussi avoir des conséquences sur la santé auditive – même physique au sens large – et mentale. Et le ministère du travail, du plein-emploi et de l’insertion de préciser : « d’autres paramètres influent également la nocivité des sons sur l’audition : un son aigu est plus dangereux qu’un son grave ; un son pur, composé d’une seule fréquence, est plus traumatisant qu’un son complexe ; un son impulsionnel, soudain et imprévisible, est plus dangereux qu’un son d’apparition plus progressive ».

Dangers : quelles peuvent être les conséquences du bruit au travail sur notre santé ?

Troubles de l’audition : de la fatigue auditive à la surdité

La conséquence la plus radicale d’une exposition au bruit est la surdité totale, qui s’installe le plus souvent progressivement, après quelques années passées à travailler dans un environnement bruyant. Mais d’autres manifestations auditives peuvent survenir avant d’en arriver là :

  • la fatigue auditive, aussi connue sous le nom de perte auditive temporaire, qui désigne une diminution temporaire de l’acuité auditive suite à une exposition à des niveaux élevés de bruit ;
  • les acouphènes, qui peuvent se manifester sous la forme de bourdonnements, de cliquetis, de grésillements ou de sifflements alors qu’il n’y a en réalité pas de bruits alentour. À noter : ils peuvent être perçus dans une oreille (acouphènes unilatéraux) ou dans les deux oreilles (acouphènes bilatéraux) ;
  • l’hyperacousie, un trouble de la perception auditive qui implique une hypersensibilité aux sons normaux de son environnement. On résume souvent cela au fait que les personnes entendent « trop » bien ;
  • le traumatisme sonore aigu (TSA), aussi connu sous le nom de choc acoustique aigu, fait référence à une lésion auditive soudaine et immédiate causée par une exposition à un bruit extrêmement fort ou à une explosion sonore. Il survient généralement suite à une explosion, à un coup de feu, à un accident industriel, à un concert bruyant, etc.

Par ailleurs, des paramètres individuels, tels que l’âge, les antécédents médicaux ou encore l’association avec certaines expositions (médicaments ou produits chimiques toxiques pour l’ouïe) peuvent aussi aggraver les risques d’atteinte auditive.

Bon à savoir : comme le rappelle l’INRS, le bruit peut provoquer des surdités chez les travailleuses enceintes, mais il pourrait également représenter un danger pour les fœtus (source 3). « En effet, au cours des 3 derniers mois de grossesse, l’oreille interne du fœtus est particulièrement sensible aux bruits riches en basses fréquences. Or, les bruits inférieurs à 250 Hz traversent facilement les barrières naturelles qui protègent le fœtus (parois abdominales et utérines, placenta et liquide amniotique) et sont donc potentiellement dangereux pour l’audition des enfants à naître », alerte l’Institut.

Comment savoir si l’on souffre de troubles de l’audition ?

Plusieurs signes peuvent trahir la présence de troubles de l’audition : 

  • vous avez du mal à déterminer la provenance des sons ; 
  • vous avez une sensation de plénitude, d’obstruction ou de pression dans une ou les deux oreilles ; 
  • vous avez des difficultés à entendre les sons faibles, les conversations ou les voix dans des environnements bruyants ;
  • vous avez besoin d’augmenter le volume de la télévision, de la radio ou des autres appareils audio ; 
  • vous remarquez des changements dans la qualité des sons, tels que des sons étouffés, distordus ou déformés ; 
  • vous entendez des bruits ou des sons tels que des sifflements, des bourdonnements, des grésillements ou des pulsations dans vos oreilles ou dans votre tête en l’absence de stimuli sonores externes
  • vous êtes hypersensible aux sons, même à des niveaux sonores normaux, et ils peuvent être inconfortables, douloureux ou dérangeants ; 
  • etc.

Dans ce cas consultez au plus vite un médecin généraliste qui pourra vous rediriger vers un médecin ORL pour réaliser des tests auditifs. 

Troubles cardiovasculaires, troubles du sommeil… Les autres effets physiques indirects

L’oreille est généralement le premier organe touché, mais le bruit peut aussi avoir des répercussions sur l’ensemble de notre corps. Il peut notamment être à l’origine de :

  • vertiges ;
  • pertes d’équilibre ;
  • fatigue chronique ;
  • tremblements des mains ;
  • troubles sensoriels ;
  • troubles cardiovasculaires (hypertension) ;
  • troubles digestifs ;
  • troubles du sommeil ;
  • etc.

Stress, fatigue, baisse de la concentration… Quel impact sur le bien-être au travail et la productivité ?

L’inconfort lié au bruit peut aussi induire une fatigue cognitive, un mal-être au travail, une irritabilité plus importante, un stress et une anxiété. Ce d’autant plus que le bruit est incontrôlable, imprévisible et / ou « chronique ». Autant de facteurs qui entament inévitablement la concentration, la mémoire, la motivation – et donc la productivité des individus.

Le bruit favorise le risque d’accidents du travail !

Le bruit favorise le risque d’accidents du travail pour plusieurs raisons, rappelle l’INRS : parce qu’il exerce un effet de masque sur les signaux d’alerte (comme celui d’un avertisseur de recul sur un véhicule), parce qu’il perturbe la communication verbale et parce qu’il détourne l’attention des travailleurs(ses). Sans compter qu’il augmente potentiellement le stress, ce qui peut accroître le risque d’erreur au travail.

Comment se protéger du bruit au travail ?

Du côté des entreprises, trois types de mesures peuvent être mis en place pour réduire au maximum les dangers du bruit au travail :

  • évaluer les risques d’exposition au bruit, pour bien en comprendre la nature et l’origine ;
  • réduire le bruit à la source, par exemple en encoffrant une machine trop bruyante, en instaurant des règles pour limiter la cacophonie en open space, en installant des cloisons qui entravent la réverbération ou en plaçant des imprimantes dans des salles dédiées ;
  • fournir des équipements de protection individuelle à partir de 80 dB d’exposition, comme des casques antibruit, des bouchons d’oreilles jetables ou moulés, etc.
  • mettre en œuvre un programme de réduction de l’exposition au bruit ;
  • inciter les salarié(e) s exposé(e) s à bénéficier d’examens audiométriques préventifs, voire d’un suivi individuel renforcé (SIR)
  • et sensibiliser les salarié(e)s pour les inciter à protéger au mieux leur audition.

Les mesures individuelles pour limiter l’impact du bruit au travail :

  • utilisez des bouchons d’oreilles spécialement conçus pour atténuer le bruit ;
  • portez des casques antibruit ou des écouteurs antibruit, conçus pour bloquer ou atténuer les sons indésirables ;
  • si possible, aménagez votre espace de travail avec des matériaux absorbants pour réduire la réverbération du son et essayez de vous éloigner des sources de bruit ou demandez à être déplacé(e) vers un endroit plus calme ;
  • utilisez du bruit de fond pour masquer les sons indésirables, la musique de votre choix, par exemple, ou un bruit blanc ;
  • si vous êtes exposé(e) à un bruit intense et continu, faites des pauses régulières pour permettre à vos oreilles de se reposer et de récupérer. Profitez de ces pauses pour vous éloigner de la source de bruit et vous détendre dans un endroit plus calme.

Et si le bruit au travail est un problème constant, n’hésitez pas à communiquer avec vos collègues et / ou votre employeur. Envisagez également de consulter un(e) médecin ou un(e) professionnel (le) de la santé au travail pour obtenir des conseils supplémentaires !

En vidéo : « Comment être heureux(se) au travail ? »

Etre heureux au travail

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