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Vous avez parfois le trac avant de prendre la parole en public ? Vous êtes de nature plutôt timide et préférez éviter le feu des projecteurs ? Cela ne signifie pas forcément que vous êtes blemmophobe ! En effet, la blemmophobie est une véritable phobie sociale qui bouscule le quotidien des personnes concernées et peut les conduire à l’isolement total. Comment se manifeste-t-elle exactement ? D’où vient-elle et comment en venir à bout ? On fait le point avec Karen Demange, psychologue clinicienne spécialiste des troubles alimentaires & Guillaume Losserand, psychologue clinicien spécialiste des problématiques liées au poids.

Définition : qu’est-ce que la blemmophobie ?

La blemmophobie est une phobie sociale caractérisée par la peur exacerbée et irraisonnée du regard des autres. « Cette phobie ne doit pas être confondue avec une simple timidité, insiste Karen Demange. La peur du regard des autres est normale, mais la phobie du regard des autres, elle, est pathologique, puisqu’elle a une incidence sur le quotidien des personnes concernées qui adoptent des stratégies d’évitement pour ne pas avoir à supporter le regard des autres. »

Concrètement, les personnes blemmophobes ont constamment l’impression qu’on les observe et ne supportent pas l’idée qu’on puisse porter un regard accusateur ou dévalorisant sur leur corps (nu ou vêtu). Elles évitent donc la prise de parole en public, refusent de porter certains vêtements, esquivent les activités de groupes, la piscine, la plage, ou même les consultations médicales pour ne pas avoir à s’exposer au regard des autres. Et ce, quelles que soient leur corpulence et leur apparence physique.

Quelle différence avec la scopophobie ?

La différence entre la scopophobie et la blemmophobie est subtile : la scopophobie désigne la peur obsessionnelle et irraisonnée du jugement des autres. La blemmophobie, elle, désigne la peur du regard des autres, spécifiquement portée sur le corps.

Diagnostic : qui sont les personnes concernées ?

Cette phobie peut se déclencher chez tout le monde : il n’y a pas de « profil » à risque. Les adolescent(e)s et les jeunes adultes sont plus concerné(e)s, étant donné la transformation physique qu’ils et elles traversent. Mais la blemmophobie peut aussi survenir chez les adultes après un traumatisme ou un choc important.

L’avis de Guillaume Losserand : “Il faut faire attention aux diagnostic d’origine psychologique : certaines personnes sont affublées de l’étiquette “blemmophobe” et finissent par s’y accrocher alors qu’elles ne sont absolument pas blemmophobes au départ”. 

Et l’expert de poursuivre : « Il n’est pas question de s’auto-diagnostiquer blemmophobe parce que l’on a un peu le trac avant de prendre la parole en réunion, ou que l’on n’est pas très à l’aise à l’idée de se mettre en maillot de bain sur une plage. La blemmophobie est un vrai trouble mental. Pour savoir à quel point vous êtes vraiment concerné(e), il faut vous demander à quel point la peur du regard des autres vous entrave et vous gâche la vie au quotidien. Si vous en venez à vivre reclu(e) et que vous en souffrez, vous êtes certainement en proie à une phobie et il faut vous tourner vers un professionnel(le) de santé mentale ».

Bon à savoir : l’avis d’un(e) professionnel(le) est d’autant plus recommandé que la blemmophobie peut avoir des traits communs avec la paranoïa, par exemple lorsque l’on se met à penser que chaque rire qui éclate à proximité de nous est forcément une moquerie dirigée à notre encontre.

Symptômes : comment se manifeste cette phobie sociale ?

La blemmophobie peut avoir de lourdes répercussions sur le quotidien des personnes concernées, prévient Karen Demange : certaines personnes en viennent à sortir uniquement la nuit pour croiser le moins de monde possible, à interrompre leurs études, à quitter leur emploi, à mettre fin à leurs relations amoureuses, amicales et familiales, etc. Elles craignent de paraître faibles ou ridicules si elles déclenchent l’un ou plusieurs des symptômes suivants :

Pour éviter l’attaque de panique et garder le contrôle, les personnes blemmophobes mettent donc tout en place pour se soustraire aux situations qui leur sont inconfortables.

Causes : d’où vient cette peur du regard des gens ?

Selon nos experts, la réponse n’est pas si simple… Tous deux s’accordent à dire que l’origine de chaque phobie est individuelle et qu’elle n’est pas forcément liée à un traumatisme en particulier, mais plutôt à une série de petits événements marquants (remarques déplacées et récurrentes des parents, harcèlement scolaire, moment de gêne en public, etc.). « La construction phobique a toujours une utilité originelle : c’est la réponse qu’une personne a trouvée pour s’adapter à son environnement », précise Guillaume Losserand. Et d’expliquer : « Quoi qu’il en soit, il est certain qu’on a affaire à des personnes angoissées qui ont une mauvaise estime d’elles-mêmes et ont besoin de détricoter leur histoire personnelle pour mieux reprendre confiance en elles et apprivoiser différemment les relations humaines ».

Comment vaincre la blemmophobie ?

« L’objectif n’est pas de forcer tout le monde à monter sur scène, insiste le psychologue. Si une personne n’a pas envie de changer et qu’elle vit relativement bien avec sa phobie, elle peut continuer ainsi. Mais si la blemmophobie lui gâche la vie, elle doit absolument se faire aider ! »

On distingue deux grandes approches thérapeutiques : l’approche cognitivo-comportementale (TCC) et l’approche psychodynamique analytique, qui se concentre sur la manière dont les personnes ont construit leur réalité et sur les expériences de vie qui ont influencé leur regard sur le monde. La pratique d’activités comme la danse, le chant ou le théâtre permet aussi de reprendre confiance en soi et d’apprivoiser à nouveau le regard des autres !

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