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Le printemps approche et avec lui son lot de pollens qui va provoquer chez une partie de la population rhinites, toux et fatigue. Derrière ces manifestations que l’on peut juger anodines, se jouent des enjeux de santé bien plus importants. C’est ce que martèle à 20 Minutes Marc Sapene, pneumologue et allergologue bordelais. Celui qui est également vice-président de l’association Asthme et allergies est, dit-il, en train de créer une unité de prévention de l’apnée du sommeil, « une première en France ».

Comment expliquer que les personnes allergiques soient de plus en plus nombreuses ?

Le chiffre que tout le monde répète, c’est que d’ici environ 2050, la moitié de la population sera allergique. Les allergies se développent dans la population et surtout celles qui sont respiratoires. C’est lié aux modes de vie, parce qu’on vit beaucoup plus à l’intérieur, et à la pollution de l’air, qui est aussi un facteur booster des allergies. En Nouvelle-Aquitaine par exemple, une région chaude et humide, les pollens de graminées sont présents sur des périodes longues et beaucoup d’acariens prolifèrent dans les environnements intérieurs.

On sait également que les conditions de vie depuis l’enfance jouent un rôle : les enfants sont moins en contact avec une toute une variété d’allergènes (hygiénisme), ce qui fait que leur système immunitaire est un peu dévié, profitant aux allergies. On transmet une facilité à être allergique. C’est ensuite la façon de vivre et d’autres facteurs qu’on ignore qui font que certaines allergies vont se porter sur les acariens, d’autres sur le pollen, sur les poils de chat ou encore sur l’alimentation.

Ne faut-il pas distinguer l’allergique qui a quelques symptômes de rhinites de celui qui développe des formes plus graves, avec de l’asthme par exemple ?

En la matière, le petit n’est pas forcément petit. Bien sûr, il y a le visible et la rencontre qui peut être violente avec les pollens quand on est asthmatique ou allergique. Mais, il y a aussi le « c’est pas si grave, ils sont un peu enrhumés ». L’un de mes combats depuis quelques années, et que je vais intensifier, c’est de faire prendre conscience que des rhinites dues aux acariens (présents dans la poussière et les matelas) qui entraînent des nez bouchés chez les enfants ne doivent pas être minimisées.

Qu’est-ce qui doit attirer l’attention des parents ?

Les enfants doivent dormir la bouche bien fermée et ne pas ronfler, sauf les trois jours où ils sont enrhumés. Il est très important de bien respirer par le nez, surtout la nuit. Ce qui n’est pas très connu, c’est que la circulation de l’air dans les voies aériennes entre 0 et 12-13 ans va modeler le massif facial de la même façon que le vent modèle la dune du Pyla.

Le développement harmonieux du massif facial (ensemble des os n’entourant pas l’encéphale), avec un palais bien large, a lieu grâce à une bonne circulation de l’air. La langue doit taper sur le palais pour l’élargir. Or, un enfant de trois ou quatre ans qui a le nez qui se bouche en raison d’acariens dans son matelas ne va pas assez développer certains muscles, en particulier de la langue.

Quelles complications peuvent intervenir à moyen et long terme ?

Je suis en train de créer une unité de prévention de l’apnée du sommeil, une première en France. On se rend compte que beaucoup de nos patients sont des enfants qui ont eu des allergies plus jeunes. Chez eux, c’est trompeur car cela peut se manifester par des troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) tandis que chez l’adulte, il s’agit davantage de fatigue. Non traités, cela peut entraîner beaucoup plus tard des maladies cardiovasculaires et métaboliques.

Que faut-il faire quand les symptômes se déclarent ?

Il y a des manifestations très visibles. Si quand les pollens arrivent je tousse ou je fais un peu d’asthme, il faut traiter et si possible anticiper. Si on ne traite pas, cela s’aggrave car l’inflammation entraîne l’inflammation. Il existe des dépistages très précis pour déterminer les graminées qui déclenchent les allergies, avec des tests sur la peau. Et même en étant traité, il faut diminuer son exposition aux pollens. Mettre des lunettes et un masque, pour faire du vélo par exemple. Se laver les cheveux après une balade dans la nature, c’est aussi utile. Les symptômes dépendront de la quantité d’exposition que vous aurez.

La circulation de l’air dans les voies aériennes entre 0 et 12-13 ans va modeler le massif facial de la même façon que le vent modèle la dune du Pyla. »

Quel est le processus inflammatoire à l’œuvre dans l’allergie ?

Quand on a de l’allergie, on a de l’inflammation : la muqueuse est en mauvais état à ce moment-là et les allergènes traversent. En rencontrant les substances auxquelles vous êtes allergiques, les cellules se mettent alors à exploser et à libérer des substances chimiques qui aggravent encore l’inflammation. C’est ce qu’on appelle une cascade inflammatoire. Dès que c’est inflammatoire, la porosité est renforcée. Quand vous fumez, la muqueuse est inflammatoire et favorise ce système.

Peut-on parler d’un facteur social en matière d’allergies ?

Bien sûr. Ce qu’il y a de terrible c’est que notre santé évolue avec des facteurs de risques (génétiques, environnementaux) qui en entraînent d’autres. L’alimentation ultra-transformée entraîne l’inflammation, ce qui favorise l’allergie. C’est un des deux grands facteurs, avec la pollution aérienne. Ce constat me pousse à m’intéresser aux déterminants majeurs de santé, (l’alimentation, l’activité physique et le sommeil) à travers notamment la création de la Maison Bleue à Bordeaux. On y fait, dans un cadre de médecine libérale, de la recherche et de la prévention.

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